Joint à New York, Amadou Bagayoko est toujours le même homme. L'artiste malien respire la bonté, le calme, la fidélité conjugale, la compétence, la droiture, l'équilibre, la candeur. Le fleuve tranquille. Avant que ne démarre la tournée qui mène actuellement le couple non voyant sur les scènes du monde, il cause de Folila, album d'Amadou & Mariam paru à la fin mars et dont nous aurons très bientôt droit à quelques extraits incarnés.

Partisan de l'attitude positive bon gré mal gré, Amadou résume le message décliné dans les chansons du duo qu'il forme depuis les années 80 avec la chanteuse Mariam Doumbia:

«Dans la vie, il faut toujours avoir une bonne approche. Il faut rester optimiste, parler aux gens qui ont besoin d'être encouragés, les sensibiliser aux problèmes auxquels ils doivent faire face. Ainsi, nos chansons disent aux gens que la vie n'est pas toujours belle et... pas toujours mauvaise. Jours de bonheur, jours de malheur. Moments de plaisir, moments de souffrance, moments de galère.Ça peut être mauvais aujourd'hui, ça peut être meilleur demain. On n'a pas le contrôle mais il faut donner de l'espoir aux gens.»

Idem pour le couple indissociable qu'Amadou forme avec Mariam:

«Mon épouse et moi sommes ensemble depuis 1976. Nous avons une passion commune: la musique. Nous voyageons ensemble à cause de la musique. Il y a de l'écoute mutuelle. Nous croyons encore qu'il faille regarder dans la même direction. Ça se passe bien, malgré les difficultés rencontrées.»

L'engagement social est tangible, pacifique et empathique:

«Nous prônons la solidarité entre les peuples. Mais aussi la nécessité de changements politiques en Afrique: élections libres, transparence, multipartisme, libre expression et opposition à ces présidents qui ne veulent pas quitter le pouvoir. Quant à notre position sur le problème malien (avec les Touaregs), elle est pacifiste. Les problèmes doivent être réglés dans le calme et la compréhension mutuelle.»

New York, Bamako, Paris, les invités... Bertrand Cantat

L'album Folila, explique-t-il en outre, résulte de trois étapes d'enregistrement: New York, Bamako, Paris. Amadou y voit d'abord un côté blues-rock très prononcé et la proéminence d'instruments traditionnels maliens. Cousinage idéal, puisque les formes originelles du blues sont subsahariennes, et donc en partie maliennes. «Le blues-rock afro-américain nous parle, c'est la même expression d'origine. Nous l'avons constaté lorsque nous avons voyagé aux abords du Mississippi et à la Nouvelle Orléans», soulève Amadou.

Autres caractéristique importante de Folila : la participation de plusieurs invités.

À commencer par l'ex Noir Désir Bertrand Cantat, controversé pour les raisons que l'on sait. Sujet de discussion devenu récurrent pour ne pas dire redondant. Néanmoins difficile de l'éviter avec notre interlocuteur. Alors? Sa justification est brève, est assortie d'un ton neutre:

«Nous avons connu Bertrand à Bordeaux, nous avons sympathisé d'autant plus qu'il avait bonne énergie face à notre musique. Il est venu au Mali avec nous lorsque nous avons étoffé nos chansons d'instruments traditionnels - ngoni, balafons, etc. Puis il a poursuivi le travail en France. Il a greffé ses  ses textes aux nôtres et voilà. Nous avons fait un choix professionnel en l'invitant, car il avait les qualités nécessaires pour accomplir ce que nous voulions. Et puis... oui, il faut donner la chance aux gens de se racheter.»

Les 13 chansons de Folila, il faut dire, ont chacune connu plusieurs étapes de création.

«À New York, raconte Amadou, nous avons travaillé avec des musiciens du groupe Antibalas - afrobeat et afrofunk. Aussi avec Nick Zinner, guitariste de Yeah Yeah Yeahs qui nous a fait connaître  des musiciens de TV on the Radio (Tunde et Kyp) ou Santigold. Ça s'est très bien passé avec tous ces artistes, nos maquettes leur ont plu. On leur a expliqué ce qu'on chantait en bambara, cela a inspiré leurs parties en anglais.

«Nous avons aussi travaillé avec Jake Shears des Scissor Sistors pour qui nous avons fait les premières parties en Angleterre après qu'ils aient écouté notre musique lors d'un festival là-bas. Nous avons beaucoup sympathisé. Nous avons connu Ebony Bones dans le cadre du festival Africa Express. Amp Fiddler aux Transmusicales de Rennes. Abdallah Oumbadougou dans le projet Desert Rebel. Theophilus London, lui, avait participé à nos soirées à Londres et New York. Marc-Antoine Moreau, également notre manager, réalisé Folila. Il est avec nous depuis longtemps, c'était bien avant Manu Chao.»

Blues, funk, rock hendrixien, traditions ouest-africaines et subsahariennes. Particulièrement depuis que Manu Chao a contribué à élever la proposition en contribuant au fameux album Dimanche à Bamako en 2004, la pâte musicale d'Amadou et Mariam n'a-t-elle pas gardé la même texture ? N'est-elle pas composée des mêmes ingrédients en 2012?  

«Nous cherchons de nouvelles sonorités, nous essayons de faire en sorte que nos albums soient  différents les uns des autres, apporter une variante. Nous pouvons varier comme nous le voulons car nous avons joué plusieurs styles de musique», soutient le guitariste, chanteur et compositeur.

Fleuve tranquille, assurance tranquille...

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Filmé en 2006, un spectacle d'Amadou & Mariam sera projeté le mercredi 6 juin, 19h, à la salle Stevie Wonder de la Maison du Festival Rio Tinto Alcan (L'Astral). Également au programme de cette projection : Electro Bamako et Ba Cissoko. Sur scène, Amadou & Mariam se produiront le vendredi 3 août au festival Osheaga.