Pour la première fois en 25 ans, le prochain album de Céline Dion ne portera pas la signature du producteur exécutif Vito Luprano. À 56 ans, ce dernier se consacre désormais entièrement à la carrière d'une nouvelle chanteuse pop: Kristina Maria.

En pénétrant dans l'appartement du centre-ville où il a installé son bureau, Vito Luprano désigne du doigt l'écran de son ordi: l'album de sa nouvelle protégée Kristina Maria - sa partenaire d'affaires, corrige-t-il -, disponible depuis quelques heures à peine, est au 21e rang du palmarès pop d'iTunes. L'homme de 56 ans est tout sourire, lui qui, après une demi-retraite, a décidé de s'investir complètement dans la carrière de cette jeune chanteuse pop d'Ottawa aux racines libanaises.

Il y a quatre ans, celui qui recruté Céline Dion pour CBS en 1986 a été victime des compressions dans l'industrie du disque. «On supprimait des postes importants partout à New York comme au Canada et je gagnais un salaire supérieur à celui des quatre derniers présidents de Sony Canada pour lesquels j'ai travaillé», dit-il aujourd'hui. À l'époque, cette décision avait déplu à René Angélil dont Vito Luprano était l'unique contact chez Sony/BMG au Canada, en plus d'avoir été le producteur exécutif de tous les albums de Céline Dion, d'Incognito à Taking Chances.

Luprano n'est pas reparti les mains vides, loin de là. Il a d'abord tenté de monter une comédie musicale en français autour du personnage de Zorro avec le metteur en scène Franco Dragone, une aventure qui a avorté pour une question complexe de droits, mais à laquelle il n'a pas renoncé complètement. Il a également l'intention de publier sa biographie et affirme avoir déjà reçu des appels à ce sujet des deux côtés de l'Atlantique: «Céline a son livre, René aussi; moi, j'ai une histoire à raconter sur chaque chanson.»

Luprano aurait évidemment aimé continuer à solliciter des chansons pour les prochains albums de Céline Dion, mais on ne le lui a pas proposé. «C'est leur décision. Je ne suis pas frustré, juste confus, dit-il en riant. Mais c'est correct: ça va me permettre de me consacrer entièrement à mon artiste.»

C'est justement ce qu'il a promis à Kristina Maria: ne plus jamais s'occuper d'une autre chanteuse qu'elle: «S'il y a un point sur lequel René a raison, c'est que quand tu crois à une artiste, il faut que ça soit la seule.»

Avec Corneille

En 2009, Luprano a reçu un CD de Mia Dumont, veuve du parolier français Eddy Marnay et proche du couple Dion-Angélil. Il a fallu plusieurs semaines avant de prêter l'oreille à ces quatre chansons écrites et chantées par Kristina Maria, mais cette première écoute l'a convaincu: «Elle avait un son bien à elle et, en plus, elle écrivait ses chansons, ce que Céline ne faisait pas. J'ai toujours aimé travailler avec des auteurs-compositeurs.»

«Dès la première rencontre, ça a cliqué entre nous, renchérit Kristina Maria. C'était vraiment cool: Vito a même laissé ma mère voyager avec nous au début.»

«J'ai tout de suite su qu'on pouvait travailler ensemble, reprend Luprano. J'ai déjà trois filles et Kristina est ma quatrième fille.»

L'imprésario lui a présenté ses amis, des auteurs-compositeurs (Aldo Nova, Billy Steinberg...) avec lesquels Kristina Maria signe 11 des 14 chansons de son album au titre ambitieux (Tell The World), disponible depuis hier. Parmi ceux-ci, la chanteuse a trouvé un mentor en la personne du Suédois Kristian Lundin. C'est lui qui lui a présenté l'ex-N'Sync JC Chasez avec qui elle a écrit une chanson et en a chanté une autre.

Elle fait également un duo avec Corneille, une adaptation bilingue de Co-Pilot qu'elle a d'abord chantée avec un artiste reggae de Los Angeles, Laza Morgan. Avec Corneille, Luprano visait la France. La compagnie française de Corneille, Wagram, distribuera bientôt Tell The World.

Luprano estime que le lancement de cet album a nécessité un investissement de 800 000$. Il a été précédé de deux extraits (Let's Play et Co-Pilot) dont il s'est vendu plus de 120 000 unités sur iTunes.

Luprano voit grand: après le Canada, il entend s'attaquer au marché européen francophone et il travaille sur une entente avec l'Angleterre. «Après ça, je vais aller aux États-Unis. Je viens d'avoir un appel d'Universal à New York. Ils veulent nous parler.»