De passage à Montréal il y a quelques jours, Adam Cohen était un brin tendu: cette fois, son horaire d'entrevues était bourré à craquer, après 13 ans de métier et d'albums et d'expérimentations. Les attentes sont élevées.

Elles l'ont toujours été, en fait, pour le fils de Leonard Cohen («J'ai une «petite» réputation», reconnaît-il), mais la dynamique a changé radicalement. Comment dire? Cohen fils ne se contente plus de surfer, il plonge. Cela a donné l'album Like A Man, extrêmement intime et sensuel, où il endosse avec brio sa filiation: registre vocal, références, humour, élégance, poésie, il revendique haut et musicalement son bagage héréditaire, il est bel et bien le fils de Leonard.

Le spectacle est de la même eau: «J'ouvre presque toujours le spectacle avec la chanson Sweet Dominique, ça donne la tonalité tout de suite... et c'est un risque: il faut assumer une certaine vulnérabilité, installer une espèce de silence d'entrée de jeu, mettre toute la salle en hypnothérapie», dit-il en riant et en tirant sur sa cigarette, dans la cuisine de la maison des Cohen, en face du parc du Portugal, à un jet de pierre du boulevard Saint-Laurent.

Qu'on ne s'y méprenne pas: le spectacle d'Adam Cohen est, par moments, intime, mais aussi hilarant, déconcertant, rythmé, sexy, convivial, et on en passe. Notamment les petits laïus où il raconte sa vie d'enfant de divorcés («J'ai servi de petit perroquet et de petit pigeon voyageur entre mon père et ma mère»), sa rencontre avec Paul McCartney et ses conversations avec son ami, un certain Roshi (qui est moine bouddhiste et le maître à penser de son père Leonard!). En octobre dernier, en plus de ses propres excellentes chansons, Adam Cohen n'hésitait pas non plus à reprendre So Long, Marianne de son père, mais aussi du Marvin Gaye («Il m'a beaucoup influencé, j'ai grandi avec lui»)!

«Mon but, explique l'élégant Adam de 39 ans, c'est d'être complètement moi-même sur scène, par gratitude pour tout ce que la musique m'apporte: le voyage, la rencontre, l'inattendu... Alors même que j'avais abandonné l'idée d'être auteur-compositeur et chanteur, la musique m'est revenue. En spectacle, avec mes deux musiciens (Mai Bloomfield aux cordes et Michael Chaves à tous les autres instruments possibles!), on est une totalité, pas seulement trois personnes. C'est quelque chose d'assez subtil...»

Il y a quelque chose d'assez subtil, en général, chez Adam Cohen. Dans la petite cuisine vieillotte de la maison paternelle, on a l'impression d'être trois: la journaliste, le chanteur... et aussi le double du chanteur, qui regarde tout cela avec un brin d'autodérision et même une pointe de méfiance... envers lui-même. Ça n'a pas dû être facile, être le fils de. Jouer le jeu, tenir le rôle de l'enfant content de son sort, mais attendu au détour, constamment interrogé sur son célèbre père? «Je comprends que j'ai eu une vie hors du commun, je comprends tout à fait qu'on me pose certaines questions, qui sont toujours les mêmes, répond-il avec sobriété. Moi, je me vois comme un petit bonhomme qui vit sa réalité. Les autres voient autre chose, c'est normal, non?»

Fierté

Le grand bonhomme aime, en tout cas, sa réalité actuelle. Celui qui a grandi à Paris, Montréal et dans l'île d'Hydra (Grèce) rentre d'une tournée en Europe qui s'est très bien passée («C'est une aventure à laquelle je n'osais même plus rêver»). Et il chante des chansons dont il est fier. Par exemple Out Of Bed, très belle chanson d'amour qu'il a écrite il y a quelque 20 ans, que son père aimait beaucoup et qu'Adam s'est finalement décidé à enregistrer sur l'album Like A Man. Son père est fier de lui. Son fils Cassius, qui lui a donné le courage d'assumer tout ce qu'il l'est, doit l'être aussi. Comme dans la parabole du fils prodigue, dans la Bible: il faut «se réjouir car ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé».

Adam Cohen, en tournée à Sherbrooke, à Ottawa, à Montréal (Club Soda, 9 et 10 février), Sutton, Drummondville, Québec, Trois-Rivières, Saguenay. Infos: www.adamcohen.com