Perdu, votre vieux disque avec la chanson Louise? Plus jouable, votre 45 tours de J'ai marché pour une nation? Égratigné de bord en bord, votre exemplaire de J'entends frapper? Séchez vos larmes. Michel Pagliaro vient de ressortir toute son oeuvre en format numérique.

«Pour moi, c'est une libération, lance le parrain du rock québécois, derrière sa barbe grise et ses éternelles lunettes noires. Tout le monde me demandait à chaque fois quand mon vieux matériel serait disponible. Alors voilà. Ça y est. Basta! Maintenant on passe à autre chose.»

Avec ses 13 CD, le coffret Tonnes de flashs n'est pas une mince affaire. Il regroupe tout ce que Pag a lancé de 1968 à 1989, en plus d'inclure une nouvelle chanson (Tonnes de flashs).

Pas de doute, on peut parler d'un «gros» événement. D'autant plus que Pag était, avec Dubois et Charlebois, un des derniers dinosaures du rock québécois à ne pas avoir été proprement réédité. Si on excepte un CD de grands succès paru au milieu des années 90, ses chansons étaient devenues introuvables.

Il faut dire que le chanteur n'était pas vraiment pressé de replonger dans le passé. Pag se contentait de jouer ses vieux succèes sur scène et c'était très bien comme ça. Mais à force de se faire achaler, il a fini par lancer la machine à nostalgie.

Ce fastidieux exercice impliquait beaucoup de dépenses et de brassage juridique. Il a fallu payer des avocats, racheter des contrats, retrouver des bandes et «reconditionner» le tout.

Mais au final, dit-il, l'opération a eu du bon. Non seulement pour les «pagophiles» qui attendaient ce moment depuis longtemps, mais aussi pour le chanteur, qui en a profité pour «sauvegarder» son patrimoine.

«Il y a des bandes qui s'étaient vraiment détériorées. Un peu plus et on n'aurait pas pu les récupérer. On les a transférées juste à temps», dit-il.

Dans la distance

Pag contemple froidement le résultat.

Vingt ans de sa vie sont réunis dans ce coffret, qui inclut beaucoup de hits, de l'excellente pop seventies, du rock'n'roll béton et un paquet de chansons plus obscures à redécouvrir.

Mais cette époque est tellement loin, qu'il la voit d'un oeil distant, voire blasé.

Peu enclin à analyser son oeuvre, le chanteur se contente de dire qu'il y a «des choses intéressantes et quelques trucs plus rigolos que d'autres».

Il n'est pas fier de tout ce qu'il a fait. Mais il assume. Même ses moins bonnes chansons, dit-il, avaient leur raison d'être.

«Si tu n'es pas capable d'assumer ce que tu fais, tu es mieux de faire autre chose, souligne-t-il. Le gars qui ne se trompe jamais, c'est celui qui n'a rien fait.»

Son seul regret serait peut-être de ne pas avoir enregistré plus d'albums en anglais. «Pourquoi? Parce que le marché est là», répond-il.

Rappelons que Pag a mené une partie de sa carrière dans la langue des Stones. Ses trois tentatives ont débouché sur quelques succès (Rainshowers, Lovin' You Ain't Easy) qui tiennent encore très bien la route.

Mais la conquête commerciale s'est limitée au Canada anglais et encore. «Je m'en fous, dit-il, un brin paradoxal. Je n'ai jamais été carriériste. I just wanna play music!»

Peut-être un jour, bientôt

Anyway, tout ça c'est du passé. Aujourd'hui, Michel Pagliaro ne souhaite qu'une chose: c'est que son coffret se vende en masse et que ça lui rapporte un maximum d'argent.

Il ne s'en cache pas. Il mise beaucoup sur le succès de cette anthologie. Après, si la «situation (financière?) le permet» il sortira peut-être ce fameux album qu'on lui réclame avec insistance depuis 1989 et qu'il remet sans cesse aux calendes grecques.

Apparemment, la plupart des pièces seraient enregistrées. Mais on n'ose plus spéculer. À force d'attendre, on a fini par perdre espoir et soyons franc, l'intérêt s'est estompé. Au fond, c'est peut-être ce que Pag souhaitait. Car moins il y aura d'attentes, moins on risque la déception.

Dans tous les cas, c'est de bon augure, si l'on se fie à ces Tonnes de flashs, servis comme «nanane» dans le coffret du même nom.

Mais Pag refuse d'en dire plus, sans doute par superstition. «On en parlera quand ça sortira. Peut-être bientôt.»

Rock

Michel Pagliaro

Tonnes de flashs

Musicor

Photo: Musicor

Tonnes de flashs de Michel Pagliaro.