Win Butler et Régine Chassagne n'ont pas mis de temps à dire tout le bien qu'ils pensaient de Montréal qu'ils observaient depuis la grande scène de la place des Festivals. Leur groupe ne jouait que depuis une vingtaine de minutes, mais déjà le couple de chanteurs d'Arcade Fire avait loué deux fois plutôt qu'une la coolitude de leur ville où ils ont choisi de terminer leur tournée triomphale par un spectacle gratuit.

Ils avaient bien raison. Hier soir, Montréal était aussi cool, aussi belle, aussi peace and love que peut l'être une grande ville par une parfaite soirée de fin d'été. Les rares parapluies déployés servaient uniquement de repères à ceux qui voulaient retrouver leurs copains. Sur la grande place, les locaux, francos et anglos, et les visiteurs formaient une masse compacte de spectateurs sereins et souriants. Dès la prestation de Karkwa et à plus forte raison pendant celle d'Arcade Fire, les spectateurs téméraires qui se frayaient un chemin parmi la foule devaient faire des miracles pour ne pas écraser les pieds de leurs semblables.

«J'étais plus en avant, derrière la tente qui abrite la console, mais même si j'ai une étampe, c'est impossible d'y retourner», nous a dit Pierre-Olivier, 24 ans, qui avait traîné avec lui 18 jeunes Français qui étudient comme lui à l'ÉTS. Dont Gregory, fraîchement arrivé de Reims, qui ne connaissait pas plus Arcade Fire que Karkwa.

Il y avait dans cette foule de quelques dizaines de milliers de spectateurs une forte majorité de cégépiens, d'universitaires et de jeunes travailleurs. «Leur public va de 18 à 30 ans», nous a dit Alexandre, 28 ans, professeur à Saint-Hilaire, dont plusieurs des élèves participaient à cette grand-messe montréalaise. «J'aime Arcade Fire et Karkwa, donc je ne pouvais pas manquer ça», a expliqué le prof qui était accompagné de l'une des plus jeunes fans des deux groupes, sa fille Mathilde, 10 mois, qui a connu son baptême rock au festival Osheaga. Plus tard, nous avons aperçu une spectatrice plus jeune que Mathilde rentrer à la maison. À Montréal la cool, à la place des Festivals comme dans l'île Sainte-Hélène, les jeunes parents se sentent en sécurité parmi leurs semblables.

Le sourire aux lèvres

Des visiteurs d'Ottawa, de Calgary et même d'Australie avaient annoncé leur présence sur Twitter. C'est en vain que nous les avons cherchés sur la place où la majorité des spectateurs parlaient français. Tous ne connaissaient pas pour autant Karkwa, comme ce spectateur qu'on a entendu dire à sa copine pendant l'atmosphérique L'épaule froide: «Ça ressemble un petit peu à du Radiohead». Malgré tout, même au fin fond de la place, la plupart des spectateurs ont écouté Karkwa avec attention et ont manifesté leur plaisir pendant la montée de Le bon sens et l'entraînante Oublie pas.

Cette foule plutôt sage s'est mise à sautiller et à chantonner quand les héros de la soirée, Arcade Fire, ont fait leur apparition sur la scène vers 21h. Win, Régine et compagnie étaient Ready To Start, leurs fans aussi. J'en ai même croisé qui n'avaient pas raté un spectacle de leurs favoris depuis le tout début et qui classaient celui d'hier parmi les bons.

Il y avait également foule sur la rue Sainte-Catherine, de Jeanne-Mance à l'entrée de la Place des Arts, et dans les marches de l'esplanade. Ceux-là regardaient Win Butler devant un écran relativement petit, mais le son y était plus fort, plus net qu'à l'arrière de la place des Festivals. Plus à l'est, d'autres préféraient jeter un oeil sur la projection du spectacle sur un mur extérieur du Complexe Desjardins.

Là comme ailleurs, tous avaient le sourire aux lèvres.