À 87 ans, le dernier monstre sacré de la chanson française, Charles Aznavour, entamera le 7 septembre un récital d'un mois avant de partir une nouvelle fois en tournée. Mais ne lui dites pas que ce sera la dernière: «Je n'ai jamais, jamais prononcé le mot adieux!», assure-t-il à l'AFP.

«Certains médias racontent n'importe quoi! J'ai dit que j'allais faire une de mes dernières tournées. Quand M. (Martin) Scorsese présente son dernier film, on ne dit pas qu'il ne va plus en faire ensuite. Alors, on parle français ou pas?», s'emporte le chanteur.

Charles Aznavour avoue aborder ce marathon -- sa résidence à l'Olympia sera suivie d'une vingtaine de dates en province -- «pas dans le trac, mais dans l'angoisse».

«Le trac, je l'avais au début quand le public ne venait pas pour moi, mais dès qu'il a commencé à venir pour moi, je l'ai éliminé», confie-t-il.

En revanche, l'angoisse, «c'est une question de mise en place, de chansons. Est-ce que j'ai eu raison de faire ceci? Est-ce que ce n'est pas une rentrée de trop?», explique-t-il.

L'auteur d'Emmenez-moi est conscient de ne plus être en mesure de «faire un tour de chant comme auparavant» et reconnaît sans gêne qu'il va adapter son jeu de scène aux contraintes que lui impose son âge.

«Si j'ai besoin de m'asseoir, je vais m'asseoir, si j'ai besoin de chanter debout, je chanterai debout. Ça ne veut pas dire que je suis impotent, mais il faut vivre avec son âge», dit-il.

De même, «j'ai de moins en moins de mémoire, alors je vais dire au public la vérité: j'aurai probablement un prompteur quelque part», poursuit le chanteur.

«Je ne complique pas les choses, car le public n'est pas compliqué. Je lui ai tout dit jusqu'ici, y compris quand je me suis fait planter des cheveux», sourit-il.

Un duduk à l'Olympia

En préambule à sa tournée, Charles Aznavour publie ces jours-ci D'une porte à l'autre (éd. Don Quichotte), un recueil de pensées et de souvenirs, et Toujours (EMI), un nouvel album de chansons originales.

On y retrouve la patte de l'auteur-compositeur qui y aborde le temps qui passe, la guerre, le désir et l'amour.

«On m'a souvent demandé si je pensais à une femme quand j'écrivais. Non, je pense à la beauté du texte d'abord et le sujet vient par lui-même», explique-t-il, disant s'inspirer aussi bien de mots qu'il ne connaît pas que d'expressions «qu'on emploie tous les jours sans s'en rendre compte comme Hier encore ou Tu t'laisses aller».

«Je dois tout à la littérature française, je lis énormément, j'achète énormément de livres et des beaux livres, car j'aime que ma main touche quelque chose d'aussi beau que ce que mon oeil voit», raconte Aznavour.

Sur sa table de chevet se trouve en ce moment Maudit soit Dostoïevski, d'Atiq Rahimi, de la littérature turque et «une touche de Bible, de Coran et d'aphorismes».

D'origine arménienne, «le grand Charles», lancé par la chanteuse Édith Piaf, a vendu plus de cent millions de disques dans le monde. Il est aujourd'hui ambassadeur d'Arménie en Suisse.

Pour son récital, il a choisi «des nouvelles chansons, des anciennes, des très anciennes et les incontournables».

Comment fait-il le choix ? «Là par exemple, j'ai un nouveau musicien qui joue du duduk, un très bel instrument typiquement arménien, mais injouable. Alors je vais chanter Qu'avons-nous fait de nos 20 ans?, une chanson que j'avais enregistrée avec du duduk, mais que je n'avais jamais pu jouer sur scène», s'enthousiasme-t-il.

«Je suis comme tous les artistes, j'aime faire des choses que les autres ne font pas: jouer au Hollywood Bowl à Los Angeles, au Kremlin, place Saint-Marc à Venise... Ça, ça m'amuse follement. À mon âge, je me dis que je n'empêche pas les autres de le faire. Au contraire, je crois que j'ouvre une porte».