Difficile de prédire s'il en sera ainsi le week-end durant, mais la soirée d'ouverture du 27e Festival international de musique actuelle de Victoriaville nous a rappelé l'ambiance de ses meilleures années. La mise en marché a visiblement fait son oeuvre, car le concert principal présenté au Colisée des Bois-Francs a fait salle comble. L'an dernier, il faut dire, la remise sur les rails du FIMAV (après une année de pause) avait pour le moins été laborieuse.

The Ex, un groupe hollandais ayant émergé de la punkitude au terme des années 70, demeure un fleuron de l'avant-gardisme rock, notamment pour ses environnements de jazz contemporain, ses alliances bruitistes, son intérêt soutenu pour les musiques africaines (surtout éthiopiennes et congolaises), hongroises et turques, a de solides assises dans les milieux de la musique dite actuelle. Assez pour créer un événement fédérateur qui, ô surprise à Victo la drabe, avait des airs de fête.

Au pied de la scène, plusieurs douzaines de spectateurs avaient abandonné leur siège et se sont mis à danser. Devant eux, le quartette enchaînait les riffs à trois guitares sur les rythmes de la batteure Katherina Bornefeld et derrière la voix relativement ténue d'Arnold de Boer.

La valeur ajoutée était la suivante : Brass Unbound, section de cuivres et anches constituée du tromboniste Wolter Wierbos, du trompettiste Roy Paci (qui a participé au dernier album de la formation, Catch My Shoe), des saxophonistes Mats Gustavsson (baryton) et Ken Vandermark (ténor et clarinette). Arrangements simples et musclés, harmonisations souvent contemporaines (entendre atonales), le complément idéal à une formation qui a maintes fois créé des environnements probants. On se souviendra des concerts réussis (à la Sala Rossa) avec le saxophoniste éthiopien Getachew Mekurya. Voilà qui justifie amplement cette étiquette avant-punk collée à The Ex depuis des lustres.

En ouverture au Cinéma Laurier, deux Japonais et un citoyen de l'Altaï, république russe lovée entre la Sibérie, le Kasakhstan et la Mongolie.  Koichi Makigami (voix, theremin, cornet , kubiz à coulisse) fait équipe avec deux folkloristes déjantés. Bolot Bayryshev (kai traditionnel, topshur, shoor, guimbarde et voix) est un musicien traditionnel prêt à plonger dans l'aventure de l'impro contemporaine, bref du patrimoine conjugué au futur antérieur. Le percussionniste et beatboxer iconoclaste Sato Masaharu complète le trio. Les trois hommes arrivent à créer un continuum des plus consistants. Jeu de gorge, chant traditionnel, cordes, percussions et fréquences synthétiques se fondent dans une vibrante théâtralité.

Aux petites heures, l'as DJ montréalais Kid Koala présentait un work-in-progress dans la partie «intime» du Colisée. Avant-goût de ses sessions de juillet à la Biosphère? Pas encore ficelé, en tout cas. Bien sûr a de nouveau constaté sa grande maîtrise de scratch mix à trois tables. On l'a vu accomplir des petits miracles avec de vieux échantillonneurs. On l'a entendu faire dans le blues et le vieux rock à base de blues. On l'a revu remixer sa chanson fétiche, Moon River de Johnny Mercer et Henry Mancini, également la préférée de sa maman. Modifier en direct un solo de Louis Armstrong. Contempler son costume de koala qu'il est obligé d'endosser pendant 100 concerts consécutifs - conséquence d'une gageure! Mettre l'auditoire à contribution pour des duels virtuels de B-Boys (films d'animation projetés sur écran) on ainsi que pour une bataille d'oreillers entre deux spectateurs sur fond de Glenn Miller (In The Mood, évidemment) en mode aviculteur - ambiance de poulailler! Divertissant? On s'attend à mieux pour le Space Cadet Headphone Tour , les 15, 16 et 17 juillet prochains.

Le FIMAV se poursuit ce vendredi avec les concerts de La Part Maudite (17h), Nels Cline et Norton Widom dans un échange guitare et peinture en direct (20h), le programme ultra-noise partagé par Richard Pinhas, Merzbow et Wolf Eyes (22h) et le tandem ErikM /FM Einheit - djisme, électroniques, percussions (00h15). Pour infos :https://www.fimav.qc.ca/