De retour d'une brève tournée en France, Alfa Rococo a présenté vendredi soir son concert-rentrée du printemps à La Tulipe. Jolie foule, bonne ambiance et une pop-dance qui constitue l'accompagnement idéal de ces premières vraies belles journées de la nouvelle saison.

Sur scène, Alfa Rococo se révèle d'une efficacité exemplaire - on préfère voir le tandem en concert que l'entendre sur disque, c'est dire la bonne impression que nous a laissé cette première. Pas parfaite, la performance, mais fort bien rodée: le duo met l'accent sur son côté électro-dance et ses ritournelles, un peu simplettes en ce qui nous concerne, deviennent alors contagieuses.

Si le parterre du théâtre La Tulipe paraissait dégourdi en fin de concert, le duo pourrait néanmoins ouvrir les vannes plus tôt, se donner un peu plus et y mettre plus d'entrain. Laberge a un joli brin de voix, très typé et parfait pour cette pop colorée, mais on la voudrait moins polie, plus directe, plus mordante. Idem pour son guitar hero de copain David Bussières.

Mettons cette retenue sur le compte de la damnée première. Car la livraison était concluante. Musiciens efficaces, particulièrement du côté de la section rythmique - les très bons Gabriel Lajoie à la basse et Joseph Perrault à la batterie, que leur ex-collaborateur Francis d'Octobre est venu retrouver aux percussions en cours de spectacle. Ils constituent la colonne vertébrale de ce concert qui s'apprécie par son rythme, par les coups de gros tambour et les lignes de basse bien rondes qui résonnent sur les murs du théâtre. Quand Alfa Rococo joue avec le house et le trance-pop, ça lève. Le clin d'oeil au Feel Good Inc. de Gorillaz, en finale de la chanson-titre du dernier album, jouée au rappel, était très amusant.

Ailleurs, par contre, ça court le risque d'être banal. Le rappeur Imposs, invité spécial de la soirée, est venu sauver l'interprétation de La société des loisirs, sur laquelle on peut presque chanter les paroles du Monde est à pleurer de Jean Leloup. Rêve américain et la complainte house Électron libre coulent sans faire grande impression.

Il reste les succès confirmés, la providentielle Lever l'ancre du premier disque, jouée tôt dans la soirée, la belle Les jours de pluie au rappel, jouée avec des arrangements nouveaux inspirés par l'Omnichord - genre de version synthétique de l'autoharp, un truc en plastique des années 80 qui a la forme d'une poire - que Buissières portait à la taille. Fameuse version, un éclair d'originalité qu'on aimerait observer davantage pendant cette gentille mais agréable performance.

Tame Impala au Café Campus

Alléchante affiche rock au bon vieux Campus samedi soir, alors que s'amenaient en ville trois jeunes groupes bien chauds: Yawn, de Chicago (groupe qu'on a loupé), et surtout les Britanniques Yuck et les Australiens Tame Impala.

Le premier album de Yuck a été lancé plus tôt cette année chez Fat Possum. Pour l'originalité, il faut chercher ailleurs: le quartet pioche dans le rock alternatif millésimé 1990, de Sonic Youth à Smashing Pumpkins. Attitude taciturne, mais des guitares qui sonnent à merveille. Sur scène, c'est aussi beaucoup ça: quatre musiciens statiques dans la pénombre - seule la spectaculaire coiffure afro du batteur capte notre regard. Le dynamisme des ambiances guitaristiques nous happe néanmoins.

Puisqu'on a beaucoup apprécié Innerspeaker, premier album de Tame Impala lancé le printemps dernier, on a tout autant savouré le rock psychédélique du quartet de Perth en concert. Car, il faut bien l'admettre, il n'y avait pas un grand écart du disque à la scène. Tame Impala y transpose presque littéralement ses tics «vieux Pink Floyd», avec un accent fort sur le côté prog, sur les changements de tempo et sur les signatures rythmiques originales.

Du déjà entendu dans notre salon, en somme, mais du très bon matériel. Meilleurs instrumentistes que les membres de Yuck, les gars de Tame Impala nous en mettent plein les oreilles avec leurs compositions touffues. Très psychédélique pendant les 40 premières minutes du concert, le groupe a ensuite pris un virage plus moderne en se fendant d'une brillante et terrifiante reprise de l'Angel de Massive Attack. On retournera le voir avec plaisir.