Marie-Élaine Thibert n'est plus une petite fille. À 29 ans, la finaliste de la toute première cuvée de Star Académie a envie d'être perçue comme une vraie femme avec le charme, la complexité et les tourments que cela implique. C'est le thème de Je suis, son nouveau CD qui sort mardi.

Une maison, un enfant, un permis de conduire, un rôle au théâtre et une notoriété dans toute la francophonie. C'est ce que Marie-Élaine Thibert souhaitait, il y a un peu plus de deux ans. Nous nous étions rencontrées dans le Vieux-Montréal, pas loin des Productions J qui géraient sa carrière depuis la fin de Star Académie en 2003. Avant de la quitter, j'avais demandé à Marie-Élaine où elle se voyait dans 10 ans. Spontanément, cette courte liste de voeux et de buts à atteindre avait déboulé de sa bouche, sans préméditation ni calcul, avec en plus un aplomb assez étonnant. Sous ses dehors de grande timide rougissante, Marie-Élaine Thibert savait exactement ce qu'elle voulait.

Nous sommes deux ans plus tard, toujours dans le Vieux-Montréal, mais dans un endroit qui n'a pas été choisi par les Productions J puisque Marie-Élaine a quitté la boîte de Julie Snyder en septembre. Sur les cinq voeux formulés, deux ont été exaucés. La chanteuse a finalement passé son permis de conduire tout en avouant qu'elle déteste conduire. Elle n'est pas encore connue comme chanteuse dans toute la francophonie, mais elle se prépare mentalement à conquérir la France dans un avenir rapproché. Et surtout, elle a acheté la «fameuse» maison de ses rêves. Fameuse parce que lors d'un passage à Tout le monde en parle, Marie-Élaine avait avoué que malgré des ventes de CD dépassant le demi-million, elle n'avait toujours pas les moyens de s'acheter une maison. C'est maintenant chose faite. La maison est dans un coin tranquille de l'Ouest-de-l'Île. Elle a un grand jardin, un vieux garage qui a été converti en studio par son amoureux, le musicien Rémy Malo, et de belles grandes pièces qui ne demandent qu'à être retapées.

Mais ces jours-ci, ce ne sont pas tant les rénovations de sa maison qui préoccupent Marie-Élaine qu'un changement de cap dans sa carrière. Changement de look et d'image, changement de gérance, changement de stratégie. L'automne dernier, après avoir annulé en catimini un concert au Centre Bell qui venait à peine d'être annoncé, la chanteuse a confié sa carrière à Sixième Sens Management, que Lise Dion a fondée avec son ex-compagnon, Daniel Senneville. La boîte ne compte pour l'instant que deux artistes: Lise Dion et Marie-Élaine, ce qui semble convenir parfaitement à la chanteuse.

Nouvelle confiance

Au même moment, Marie-Élaine a entrepris une grande réflexion personnelle sur ce qu'elle avait envie de faire, de chanter, d'être et de ne pas être. Le résultat, c'est l'album Je suis, dont le titre affirmatif peut aussi être interprété comme le cri du coeur d'une femme qui doutait de son existence et qui vient enfin de sentir qu'elle existe. Mais Marie-Élaine n'avait pas vraiment envisagé cette hypothèse. «Je suis, explique-t-elle, c'est dans le sens que je suis une femme et que comme toutes les femmes, je suis plein de choses à la fois: amoureuse, passionnée, forte, fragile. C'est aussi une façon de dire que je me suis trouvée et que je me fais plus confiance qu'avant.»

Mais encore. Comment cette nouvelle confiance se traduit-elle concrètement? «Concrètement, j'ai décidé d'abandonner l'image de petite fille fragile que je ne suis plus vraiment, de choisir des vêtements dans lesquels je me sens plus sexy, plus féminine. Les petites robes cocktail, c'est ben cute, mais j'ai envie d'autre chose. Envie d'être une femme qui assume son corps, qui assume qui elle est et qui n'est pas gênée de prendre sa place.»

Cette nouvelle confiance a accompagné Marie-Élaine lorsqu'elle est entrée au studio Mixart pour enregistrer son quatrième album avec des chansons écrites sur mesure pour elle par Daniel Lavoie, Jean-Pierre Ferland et Claude Gauthier. Rien de moins. C'est Marie-Élaine qui a insisté pour que son amoureux, qui a longtemps été le bassiste de Lara Fabian et qui n'avait pas une grande expérience de studio, réalise son disque. C'est elle enfin qui a pris la décision de se payer un gros trip orchestral comme elle en rêvait depuis longtemps. Rémy Malo a signé les arrangements avec la collaboration de mon frangin, l'arrangeur et orchestrateur Boris Petrowski.

«Je voulais me sentir appuyée par des cordes et des cors français. Je me souviens de deux concerts symphoniques auxquels j'ai participé, l'un sur les Plaines et l'autre avec l'OSM à Montréal, et j'avais tellement tripé que je m'étais juré qu'un jour, je tenterais l'expérience en studio.»

Une bonne fille

Le résultat, c'est un disque hyper romantique, fait uniquement de ballades et d'envolées lyriques où sa voix puissante se heurte sans fracas aux sanglots longs des violons. Le public de Marie-Élaine, un public majoritairement féminin et d'un certain âge, sera comblé. Ceux qui la connaissent moins l'écouteront en pensant qu'elle a le double de son âge tant l'univers musical choisi est en décalage avec la musique qu'on associe habituellement à une jeune femme de 30 ans.

«Je n'y peux rien, plaide-t-elle, j'aime les chansons intenses et dramatiques. Pas à m'en ouvrir les veines, mais il faut qu'il y ait de l'émotion. Cela ne m'empêche pas de tripper sur Lady Gaga ou Madonna, mais je ne peux pas faire du up tempo à la Lady Gaga. Il faut que je respecte la chanteuse que je suis et que je respecte le public qui vient me voir et qui s'attend à un certain style de ma part.»

Plus je l'écoute et plus Marie-Élaine me fait l'effet d'une bonne fille, sage, sincère et sensible, qui ne veut pas faire de vagues ni de peine à personne. Cela se traduit dans ses chansons, notamment Quelques pensées dédiée à sa mère, qu'elle qualifie de personne la plus importante de sa vie. Les paroles, débordantes d'affection filiale, sont de Frédérick Baron, mais elles lui ont été plus ou moins dictées dans un café par Marie-Élaine.

Puis, il y a Jamais, paroles de Martine Coupal, écrite pour son père mort d'un cancer du foie à 53 ans. L'influence de cet homme qui écoutait du Brel, du Brassens et du Marlène Dietrich, et qui lui a appris sa première chanson à la guitare, a été marquante. Et si dans ses spectacles, tout comme sur la dernière plage du CD, Marie-Élaine interprète avec autant d'émotion Le cheval blanc de Claude Léveillée, c'est à cause de son père. La dernière semaine avant sa mort, il n'écoutait que du Léveillée. «Mon père n'a pas connu mon chum. Il ne connaîtra pas mes enfants. Il ne m'a pas vue chanter à la Saint-Jean, lui qui était très souverainiste. Le nombre de fois où, toute petite, je me suis retrouvée sur ses épaules avec le gros drapeau du Québec. Il aurait été tellement fier de me voir chanter au parc Maisonneuve le 24 juin dernier, mais maintenant, des choses comme celles-là, je les vis pour lui et pour moi.»

Marie-Élaine avoue du même souffle que pour la première fois depuis sa mort en 2005, son père lui a parlé. «Je sais que ça a l'air fou, mais ça s'est passé le soir de ma fête tout récemment. J'étais chez des amis, la radio jouait en sourdine et à minuit et une, quand j'ai eu 29 ans, la radio a diffusé la toute première toune de Cat Stevens que mon père m'avait appris à la guitare. Ça m'a fait tout drôle, mais j'ai senti sa présence.»

À 29 ans, Marie-Élaine est encore beaucoup la fille de ses parents et pas tout à fait la femme mature, assumée, indépendante et délurée qu'elle annonce. Mais elle travaille fort à chercher la femme en elle. Elle ne devrait pas tarder à la trouver.