Le carême? Aucun souci pour Poirier qui, en plein Vendredi saint, mettra la table (tournante) au Belmont pour sa 10e soirée festive Karnival. L'affiche sera complétée par l'encyclopédie musicale Sweet Daddy Luv et DJ Kentaro, confrère du label Ninja Tune et ancien champion mondial de la compétition de turntablism DMC, à sa toute première visite ici. Entrevue avec ce DJ et compositeur japonais, encore ébranlé par la catastrophe qui a frappé son pays le 11 mars dernier.

«Il y a un mois, j'étais encore en train de faire de mon mieux pour donner un coup de main à ma famille, à transporter de l'essence et de la nourriture», raconte Kentaro, joint sur la côte Ouest américaine où il a entamé une tournée.

DJ Kentaro était à Tokyo lorsque la terre a tremblé, mais lui et son gérant de frère Kotaro ont grandi dans la ville côtière de Sendaï, la cité la plus près de l'épicentre du séisme de magnitude 9 qui a ensuite provoqué le tsunami dévastateur ayant balayé les côtes nippones.

«Notre famille y réside toujours, raconte le gérant. Elle est depuis retournée à Sendaï. Heureusement, ils habitent un quartier éloigné des côtes et plus en altitude.»

La vie économique a encaissé le coup après le 11 mars, rappelle Kentaro. Plusieurs opérations industrielles ont été suspendues, et l'industrie de la musique n'y a pas échappé. Sony a stoppé toutes ses opérations de fabrication de disques. Des salles de spectacle et boîtes de nuit ont fermé.

«Un gros festival de musique devait avoir lieu à la mi-mars, explique Kotaro. Les commanditaires ont mis un frein à tout ça parce que le moment était au recueillement, pas à la fête.»

Des tournées ont dû être reportées: Iron Maiden, The National, Jack Johnson, et plusieurs autres.

«En plus des concerts annulés, j'ai complètement arrêté de travailler sur mon prochain album», le successeur du dense Enter (2007, Ninja Tune). «Je n'étais simplement pas capable de composer des beats.»

Il a repris du collier le 1er avril, lors du festival SonarSound de Tokyo. «Il y a eu plus de gens que d'habitude au festival, sans doute parce que les fans avaient hâte que la vie revienne à la normale. Presque toutes les soirées du genre ont été annulées en mars.» Sa performance live a été enregistrée et fait l'objet d'une souscription de sa propre initiative, baptisée Spin for Japan Project (détails: djkentaro.jp). «C'est mon humble contribution à la reconstruction du pays», dit Kentaro.

Le mix représente ce qui fait bouger le DJ, arrivé sur la scène musicale en raison de diverses compétitions de turntablism. Le scratcheur et jongleur de beats avait remporté la compétition internationale DMC en 2002, puis est tombé dans l'oeil des patrons de Ninja Tune, à qui il a offert un album mixé et un album de compositions sur lequel breakbeat, techno et drum & bass se partageaient la scène.

«Le scratch et le beat-juggling occupent encore beaucoup de place dans mes spectacles, mais ce qui compte, c'est que le party lève», dit Kentaro, qui s'intéresse de plus en plus à la scène dubstep/bass music, nouveaux ingrédients à sa recette musicale. «Le concert de Magnetic Man à Coachella m'a beaucoup impressionné», ajoute-t-il.

Et Coachella? «Super - la météo était belle, beaucoup plus que chez nous, où c'est encore l'hiver. C'est bien organisé, même du point de vue d'un Japonais!» La tournée a bien commencé pour l'artiste, ravi de pouvoir se changer les idées après des semaines d'épreuve.

«La vie a repris son cours chez nous. À Tokyo en tout cas, tout est revenu à la normale. J'en profite pour remercier tous ceux au Canada qui nous ont apporté leur soutien et nous aident à nous sortir de cette situation.»