«Si tu m'avais dit, il y a 5 ans, qu'on lancerait une journée du disquaire indépendant qui générerait plus de 2 millions de dollars en ventes et que la majorité de ces ventes seraient des singles vinyles 7», je t'aurais ri au nez», lance Michael Kurtz, cofondateur du Record Store Day.

Instaurée aux États-Unis il y a quatre ans, la Journée des disquaires indépendants réunissait initialement 70 détaillants qui, ensemble, avaient convaincu une dizaine de groupes de lancer un disque ou un single spécialement pour l'occasion. Aujourd'hui, ils sont plus de 700 aux États-Unis, et autant à travers le monde, à souscrire à l'événement. Sur les 350 (et plus) sorties de vinyles et CD prévues samedi, la moitié sont exclusives aux disquaires indépendants qui participent à la fête.

«C'est devenu beaucoup plus gros que ce dont on pouvait rêver, dit Michael Kurtz, joint à Los Angeles. Année après année, de plus en plus de disquaires et de mélomanes entendent parler du Record Store Day. Ça fait boule de neige.» Et c'est précisément l'un des objectifs de la journée: ramener les mélomanes chez les disquaires. Leur rappeler que la musique ne se consomme pas que sur le web ou dans les grandes surfaces.

À la tête d'une association de disquaires indépendants américains, M. Kurtz a lui-même été disquaire quand il avait une vingtaine d'années. La belle époque où l'on vendait des disques à la pelletée! «Cette fête est née d'un sentiment partagé par plusieurs d'entre nous. En 2007, la musique avait mauvaise presse. Il n'était question que de majors qui brûlent la chandelle par les deux bouts, des labels qui coulent, de CD qui ne se vendent plus, de magasins qui ferment... Le message était très négatif.»

Un disquaire indépendant du Maine a alors approché Michael Kurtz avec l'idée d'une telle journée calquée sur le Free Comic Book Day (le 7 mai cette année), organisée depuis 2002 par des boutiques indépendantes de bandes dessinées. Son but: montrer la vitalité de ce marché... et faire mentir les pronostics.

«Certains de nos membres ont connu leur meilleure année en 2010, d'autres ont eu plus de difficulté, mais je crois franchement que la plupart des indépendants s'en sortent bien, principalement parce qu'ils se sont diversifiés. Ils ne vendent souvent pas que des disques, mais aussi tout ce qui peut toucher à la culture musicale.»

Puis, la résurgence - très médiatisée - du bon vieux vinyle semble avoir donné une poussée dans le dos de ces indés, ce que confirme Michael Kurtz. Reste que la part de marché du format vinyle n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan (de moins en moins grand) des ventes d'albums.

«Bien sûr, mais de toute façon, les indépendants n'ont jamais fait partie de cet océan! répond l'ex-disquaire. Même lorsque les revenus étaient à leur plus haut, nous ne représentions qu'à peine 5 % des ventes. Depuis, nous représentons 10 % des ventes.»

«L'avenir, je le vois ainsi, ajoute Michael Kurtz. Pour acheter de la musique, on aura trois choix: iTunes, Amazon, ou les disquaires indés, that's it. Le choix, c'est d'appuyer sa communauté, ou une méga-corporation.»

Mais aura-t-on encore des disquaires indépendants à l'avenir? «Je vous assure qu'on sera encore là dans cinq ans. Ensuite? Pour être honnête, aucune idée.»