La référence Wire tient la route. Trente-cinq ans après sa naissance à Londres, en 1976, ce groupe anglais parvient encore à nourrir le culte à son endroit. En témoigne l'excellent album Red Barked Tree... et peut-être le concert prévu demain soir au Cabaret du Mile End.

Colin Newman l'admet d'entrée de jeu: seuls les trois premiers albums de Wire... et le tout dernier, lancé en janvier 2011, ont marqué l'imaginaire rock.

Le batteur Robert Grey, alias Gotobed, aura 60 ans en avril, le chanteur, parolier et bassiste Edward Graham Lewis a eu 58 ans en février, le chanteur, guitariste, compositeur et réalisateur Colin Newman a eu 56 ans en septembre dernier. L'ex-membre fondateur et guitariste Bruce Clifford Gilbert aura 65 ans en mai. Trois membres sur quatre, donc, poursuivent leurs activités sous cette bannière culte qui semble de nouveau susciter l'intérêt de la planète rock. Pour la scène, cependant, le guitariste Matt Simms s'est joint à l'équipée.

«Je vous cite la pensée d'un éditeur du magazine Mojo: pour ce citoyen anglais dont l'allocation permet l'achat d'un seul album par semaine en se fiant aux tendances lourdes exprimées dans le New Musical Express, plusieurs albums de Wire sont passés plus ou moins inaperçus depuis sa fondation. Pour ce même fan dans la moyenne, le choix des albums de Wire s'arrêtera à Pink Flag, Chairs Missing, 154 et... Red Barked Tree. Ce que soutient cet éditeur est brutal, mais... il y a du vrai.»

Colin Newman retient aussi le Wire de la première période (1976-80) et celui du cycle actuel (de 2006 à aujourd'hui). On sait que le groupe a eu plus ou moins quatre vies (les deux autres étant les périodes 1985-1992 et 1999-2004), entre lesquelles de longues pauses ont été observées.

L'album Red Barked Tree fut une «étape logique et plus risquée que les précédentes», indique son principal concepteur.

«Prendre des risques, dans ce cas précis, signifie également avoir travaillé essentiellement autour de compositions créées à la guitare acoustique, plutôt que d'avoir d'abord composé avec des machines. J'en conclus que c'est la meilleure façon de travailler pour Wire. Chaque groupe a sa manière de fonctionner et il vaut mieux pour nous de travailler avec du matériel déjà écrit.

«Ainsi, nous avons fait en sorte que la magie du groupe puisse opérer. Que nous puissions interagir avec le matériel, mettre en valeur les fondements de chaque chanson. Cela pouvait devenir très lourd par la suite, et cette lourdeur si particulière vient étrangement de la manière dont les chansons sont d'abord jouées à la guitare acoustique. Dans ce contexte, Wire a exprimé sa nature propre, avant que je raffine et clarifie le tout en tant que réalisateur.»

Issu de la vague punk anglaise, Wire a joué un rôle essentiel dans l'évolution des formes post-punk et hardcore à la fin des années 70. Or, depuis lors, ce fameux band n'a cessé de faire évoluer les formes originelles de son expression, ses membres ont multiplié les expériences - notamment sur le territoire électronique.

«Cette esthétique rock dont nous sommes issus, tient à préciser Colin Newman, ne vient pas d'une époque, mais bien du groupe. C'est ainsi que nous jouions. Nous étions rock au terme d'une décennie de musique dance

Notre interviewé attribue au mythe de Wire une «une combinaison de chance et de design», pour le citer littéralement. «Nous sommes arrivés à une période propice à un retour en force du rock. Malgré ces côtés bizarres qu'on nous a souvent attribués, j'ai le sentiment que nous n'avons pas été piégés par notre propre image.»

Voilà qui explique, du moins en partie, pourquoi Wire n'attire pas que des nostalgiques des années 70 et 80. Son auditoire est clairement multi-générationnel, rappelle-t-on à Colin Newman. «You're absolutely right!», corrobore-t-il avant de souhaiter un public hétérogène pour l'escale montréalaise.

«Nous vivons une période intense de Wire, souligne Newman. L'an dernier, la création de Red Barked Tree, la tournée cette année. Après? Je serai ailleurs. Vous savez, l'univers ne cesse de se contracter ou prendre de l'expansion. Nous devons suivre ces mouvements. Il faut donc s'assurer de demeurer créatif quand la demande est moins grande. L'année 2011 semble très bien partie. Aucune idée de ce que sera 2012.»

Entre Londres et Montréal, la conversation téléphonique s'était amorcée sur le sujet de Novice, un des plus grands albums de feu Alain Bashung. En 1989, Colin Newman y avait été responsable des claviers sur sept chansons de cet album à fois glacial et magistral.

«Jusqu'à ce jour, s'est-il étonné, aucun journaliste nord-américain ne m'a parlé d'Alain Bashung. En France, par contre... Je me souviens avoir donné une interview aux Inrocks à l'époque et l'interviewer m'avait accusé d'avoir contribué à ruiner Novice. Trop anglais pour lui... Alain, lui, avait beaucoup aimé le concept, ne cherchant pas à sonner particulièrement français! L'album était passé inaperçu à l'époque, il est intéressant que cette production soit mieux perçue aujourd'hui.»

On appelle ça l'épreuve du temps. Colin Newman et ses collègues en savent quelque chose!

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Wire se produit demain, le 2 avril à 21 h 30, au Cabaret du Mile End.