«Tu peux m'offrir tous les soleils de l'univers/ (...) De Rio à Vancouver/J'aime encore mieux mes hivers (...) C'est ici que je veux vivre/Au froid bleu, au soleil blanc»: ainsi chantait magnifiquement Monique Leyrac en 1971, paroles de Luc Plamondon et musique de Villa-Lobos, qu'on peut (re)découvrir sur le tout récent coffret Plamondon, 40 ans de chansons, 40 stars à l'unisson. La Presse a rencontré le parolier nomade, l'infatigable «globe-écriveur», alors que, justement, il «verglaçait» et neigeait sur son Québec natal...

La dernière fois qu'on s'est entretenu avec Plamondon, il était à Miami, à essayer d'enlever son t-shirt tout en parlant au téléphone, tant il faisait chaud! En plein le genre de contraste qu'on trouve entre les quatre CD du coffret qui lui est consacré: l'un est pop, le deuxième est groove, le troisième, ballades, le dernier, rock. En tout, cinq heures de musique, soit 77 chansons (sur les quelque 400 qu'il a signées), interprétées par 40 chanteurs extrêmement différents, d'Éric Lapointe à Petula Clark, de Donald Lautrec à Diane Dufresne!

Toujours entre deux pays et dix projets, Luc Plamondon a posé ses valises quelques jours à Montréal, notamment pour le lancement du coffret, mais aussi pour travailler à ses «grands projets» - film, livret, chansons... - et voir des spectacles.

Par exemple, le spectacle hommage au quotidien Le Devoir jeudi dernier, où tout le Métropolis s'est levé spontanément pour applaudir Plamondon, présent dans la salle. «À ces moments-là, dit l'homme de 68 ans, je repense à moi petit, dans la ferme de mon père, où je voyais au loin le clocher du village de Saint-Raymond et où «sortir», ça voulait dire aller à Québec. Ça prenait une heure et demie pour s'y rendre en auto, ma grand-mère nous faisait réciter trois fois le chapelet - ça donnait un rosaire. Je te dis qu'on restait tranquille...»

Qu'on ne s'y méprenne pas: aucune nostalgie chez Plamondon, plutôt un constat encore étonné de tout ce qui lui est arrivé. Et de tout ce qui va arriver encore.

Plamondon en quatre CD

Plamondon a bien sûr participé à la sélection des chansons du quadriptyque. S'il avait pu, il en aurait choisi plus du disque original Starmania, lancé en 1979: «Mais la compagnie de disques (WEA) m'a refusé le droit d'en prendre plus que deux, parce qu'elle a sorti l'an dernier un coffret pour le 30e anniversaire de Starmania, maugrée le chanteur, que la situation fait manifestement suer. J'ai finalement choisi Le blues du businessman par Claude Dubois - c'est spécial, en France, tout le monde connaît cette version, mais le nom de Dubois ne leur dit rien du tout! - et Quand on arrive en ville par Balavoine et Nanette. Finalement, ça me permet de mettre en valeur d'autres versions des chansons de Starmania par d'autres interprètes.»

Une des particularités du répertoire de Plamondon, c'est toujours l'étrange don de prescience du parolier: «C'est bizarre, hein? demande le grand blond aux lunettes noires. Dans J'ai besoin de parler chantée par Ginette Reno, j'ai écrit: «Tout s'qui s'passe entre nous/On dirait que tu t'en fous/Mais s'qui s'passe/En Iran ou en Afghanistan/Ça, ça te passionne» et on était en 1984! Avant qu'on participe à la guerre du Golfe, avant l'Afghanistan!» Disons que ça donne une étonnante actualité à la chanson. Même chose pour les paroles de Ego Trip (1979) et Je danse dans ma tête (1991): elles sont plus actuelles aujourd'hui qu'à l'époque...

Or, aujourd'hui, Plamondon écrit beaucoup moins pour les interprètes. («Moi, les comités qui décident de ce que des artistes vont chanter... J'ai travaillé avec Diane, Ginette, Céline, mais ça n'est pas considéré comme valable par les jeunes décideurs.») Bon, il n'a pas pu résister à Renée Martel, à qui il a promis un texte, il y a quelques jours. Il en a écrit un également pour Céline Dion.

Mais ce qui l'intéresse, désormais, ce sont ses «grands projets»: «J'ai rencontré il y a quelques jours Kent Nagano et on s'est fixé un «deadline»: en 2012, je termine le livret de l'opéra Rosemonde pour l'OSM sur des musiques du compositeur autrichien Schubert (NDLR: projet en cours depuis 2007). Ce qui est bien avec Schubert (1797-1828), c'est qu'il n'a ni femme, ni agent, ni ayant droit, ni comité, je le trouve très agréable!»

Et en 2011? «Un grand metteur en scène dont je tairai le nom est en train de monter un grand spectacle, très théâtral, à partir d'une quarantaine de mes chansons, qu'il a choisies. Il n'y aura pas de dialogue, ce sont les chansons qui tiendront lieu de fil conducteur.» Non, ce n'est pas la comédie musicale à laquelle travaillait Plamondon il y a un an: «J'ai essayé d'en écrire une sur le modèle de Mamma Mia! avec les 20 succès d'Abba, et je me suis beaucoup amusé, mais j'ai pas 20 hits, j'en ai 100! Ça aurait donné un show de six heures!» Toujours en 2011, il devrait y avoir un film en 3D inspiré de Starmania. Plamondon n'a pas non plus abandonné l'idée de terminer Kahnawake, comédie musicale sur les Amérindiens, entreprise avec le compositeur François Cousineau il y a plus de 15 ans: «On a plus d'une heure de bonnes chansons!» Et il suit toujours avec passion la vie de ses deux «enfants de papier», Starmania et Notre-Dame de Paris, qui n'arrêtent pas de se promener dans le monde, dans diverses langues et versions.

«J'ai calculé que, pendant 40 ans, j'ai écrit l'équivalent de deux lignes de chanson par jour! Deux lignes par jour qui m'ont permis de voyager, acheter des maisons, vivre à mon goût... Je suis chanceux», conclut notre Lucky Luc.

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Artistes variés. Plamondon, 40 ans de chansons, 40 stars à l'unisson. Musicor/Sélect.