National Ransom, le 33e album studio d'Elvis Costello officiellement lancé mardi, a été réalisé par T-Bone Burnett au Sound Emporium de Nashville. «Une salle merveilleuse », « un superbe studio où vous pouvez entendre tout ce que vous voulez », dixit le principal intéressé joint à son domicile de Vancouver il y a quelques jours.

« Nashville, soulève-t-il, a beau être la capitale de la country music alors que c'est bien plus en réalité. Notamment pour la qualité exceptionnelle de certains studios qui accueillent tous les genres musicaux. Si vous étudiez un tant soit peu l'histoire du rock, vous constaterez que plusieurs albums marquants ont été enregistrés à Nashville. Blonde on Blonde, pour ne citer que cet exemple. Il y a toujours une bonne raison pour y retourner.»

Le Britannique n'en est  pas à sa première visite au coeur du Tennessee, il va sans dire. Depuis les années 80 en fait. Le précédent album, Secret, Profane & Sugarcane, y a été concocté avec le même T-Bone Burnett qui signe la réalisation de National Ransom et que Costello fréquente depuis les années 80.

« T-Bone a toujours été un grand réalisateur en plus d'être un excellent auteur-compositeur. Il a toujours eu pour priorité de servir la chanson plutôt que de se laisser distraire par un son qui pourrait en faire perdre l'attention. Et puisqu'il est lui-même un auteur de talent, un excellent guitariste, en fait un artiste hors pair, il sait encadrer les musiciens et leur montrer la voie à suivre pour mener à bien la confection d'une chanson. Invariablement, il le fait avec autorité, confiance et humour. Il impose le respect, il a le pouvoir de générer le «vaudou» essentiel aux enregistrements qui durent. Très peu de réalisateurs peuvent y arriver. »

Il a beau enregistrer à Nashville avec des musiciens américains en grande majorité, Elvis Costello refuse d'emblée à être associé de près ou de loin à quelque mouvance americana.

« Bien sûr, je ne vis plus en Angleterre depuis plus de 20 ans. J'ai résidé en Irlande un petit moment,  je vis aujourd'hui entre Vancouver et New York. Cela dit, la diversité de mes chansons de cet album témoigne d'une vision beaucoup plus vaste. Je ne suis pas le seul, d'ailleurs; Robert Plant ne provient pas de cette tradition et fait appel aux meilleurs musiciens disponibles, quelles que soient leurs origines et leurs allégeances stylistiques.

« Je suis un auteur-compositeur, je ne défends pas un patrimoine  Je n'ai ni limites de temps ni d'espace. Mes histoires peuvent se dérouler dans des époques antérieures. Un style musical peut servir mes besoins en ce sens, et je mise aussi sur  les compétences sur lesquelles je peut compter. Si je travaille avec un musicien bluegrass, je ne fais pas de bluegrass pour autant mais je peux compter sur ses habiletés stylistiques. »

Les 16 chansons de National Ransom a été enregistrées et réalisées très rapidement, estime le principal intéressé, non sans fierté. Neuf jours à Nashville, quelques jours supplémentaires à Los Angeles.

« Je dois attribuer ce succès au dévouement de chaque musicien recruté pour le projet. Les musiciens de Nashville (Jerry Douglas, Stuart Duncan, Jeff Taylor, etc.), de vieux collaborateurs comme Steve Nieve, Pete Thomas ou encore des invités spéciaux tel Marc Ribot. Je savais que cette combinaison était gagnante. Ainsi, j'étais au centre de la pièce avec ces musiciens autour. Rien de neuf comme concept; dans les années 50 et 60, plusieurs sessions étaient ainsi conçues. Il faut dire que la responsabilité accordée aux musiciens est très grande dans ce contexte. Je dois conclure à une très belle complémentarité entre les musiciens. »

À l'instar de ses rimes antérieures, celles de National Ransom ont été soignées à souhait. Des exemples?

« La chanson titre aborde une catastrophe comme on en lit dans les faits divers. Jimmy Standing In The Rain se déroule dans les années 30,  un cowboy chanteur d'origine anglaise y roule sa bosse dans l'indifférence générale, une tragicomédie. Bien qu'il n'y ait pas de sous-texte et de lien conceptuel à ces chansons, je constate  que plusieurs d'entre elles sont  imprégnées du caractère incertain de l'avenir. Et je ne parle pas nécessairement de l'avenir en relation avec la période actuelle. Cela peut être l'avenir vu des années 20 ou 30...»

Avec une discographie aussi considérable, l'oeuves  de Declan MacManus alias Elvis Costello n'annonce pas ici de point tournant. Comme celle de Neil Young ou Bob Dylan, on en voit les signes évolutifs à travers une prolificité nettement supérieure à la moyenne des créateurs.

« Chose certaine, c'est pour moi une responsabilité que de découvrir quelque chose de neuf dans chaque nouvel album.  J'ose croire que mes albums sont variés, qu'ils passent du swing au rock à la contemplation orchestrale. En tout cas, je vous assure qu'ils ont été faits avec conviction. Je n'ai jamais rien créé pour faire de l'effet. »

Sur scène? Elvis Costello ne prévoit pas défendre le matériel de National Ransom avant 2011. Il vient tout juste de participer au Speaking Clock Review, un spectacle mis de l'avant par T-Bone Burnett pour venir en aide à l'éducation de la musique et des arts à l'école publique, revue incluant Elton John, Leon Russell, John Mellencamp, The Punch Brothers, Karen Elson, Gregg Allman, Neko Case et plusieurs autres.

« Pour l'an prochain, je réfléchis à la meilleure combinaison possible de musiciens avec qui tourner. Possiblement, cette combinaison pourrait puiser dans le personnel recruté pour National Ransom. »

Tant qu'à téléphoner au domicile familiale où l'on entend des sons d'enfants en toile de fond, aurons-nous droit à une collaboration pour un album originales de Diana Krall, tendre et non moins fameuse moitié de Sieur McManus avec qui il a eu deux fistons ?

« Sans cesse, nous parlons de musique originale. Elle ne cesse de m'étonner à ce titre. Et je persiste à croire que les chansons de son album The Girl In The Other Room étaient honnêtes et personnelles, qu'elles transgressaient les superbes conventions que mon épouse respecte d'ordinaire. Plusieurs ont mal saisi cette approche, mais bon...  Chose sûre, elle écrirait des chansons très différentes aujourd'hui, et j'aimerais certainement aider à leur émergence. »

À suivre...