Le visage de l'industrie du disque québécois s'est transformé au cours des dernières semaines, et ce n'est peut-être que le début d'une tendance. La vénérable étiquette GSI Musique a été vendue, pendant que, plus tôt cet automne, Unidisc Music s'est imposé dans l'écosystème en concluant un partenariat avec DEP Distribution et en faisant l'acquisition du label Tacca Musique. Faut-il voir dans ces manoeuvres un effet de la crise du disque sur le marché d'ici?

Selon les derniers chiffres fournis par l'Institut de la statistique du Québec, les ventes cumulatives de CD au Québec, de janvier 2010 à la fin septembre, étaient en baisse de 14,3 % par rapport à la même période l'année dernière.

La réalité mondiale rattrape en vitesse le milieu du disque québécois, dont les produits en format numérique connaissent néanmoins une nette hausse des ventes (de 43 % durant la même période), laquelle ne compense toutefois pas pour la chute du CD.

«Ça va moins bien, tout le monde le sait», reconnaît Pierre Lachance, gérant de carrière et nouveau vice-président et directeur général de GSI Musique. «Or, on s'est dit: plutôt que de se plaindre et d'attendre que la grosse vague nous submerge, pourquoi ne serions-nous pas proactifs?»

En partenariat avec Nicolas Lemieux, patron de Sphère Musique, Lachance a racheté GSI Musique de son fondateur Robert Vinet. L'idée est de mettre en commun les ressources: «Le partenariat entre Nicolas et moi et l'achat de GSI Musique nous permettent de partager des locaux et des dépenses. C'est la rationalisation des coûts» par la consolidation, après des années de rationalisation et de mises à pied. La clé de la survie en cette ère d'austérité, selon le nouveau propriétaire.

Le bureau de GSI Musique, tout comme celui de l'entreprise de management de Pierre Lachance, est désormais dans l'espace déjà occupé par Sphère Musique, rue Sainte-Catherine. De plus, les relations publiques et la promotion des artistes ont été transférées à un relationniste indépendant, qui a, lui aussi, emménagé chez Sphère.

Il ne s'agit cependant pas d'une fusion d'entreprises, insiste le vice-président: «Je n'ai rien à voir dans les affaires de Sphère, et vice-versa. L'effet immédiat, c'est que cette association réduit nos coûts d'opération. Aussi, en gardant les entreprises distinctes, on peut bénéficier d'autant de subventions. Du point de vue financier, ça a du bon sens.»

Unidisc-DEP-Tacca

DEP Distribution Ltee se trouvait dans une situation semblable, mais sur le plan de la distribution: coûts d'opération importants, baisse des revenus tirés de la vente physique. «À ce niveau, ça devient de plus en plus difficile d'assurer efficacement la distribution dans les points de vente parce que le volume baisse, mais il faut tout de même garder et gérer les entrepôts et expédier la marchandise rapidement», explique Maurice Courtois, président fondateur de DEP Distribution.

Début septembre, l'entreprise, également répartie entre trois actionnaires (dont Universal), diluait ses parts pour accueillir le distributeur Unidisc Music.

«Le plus important là-dedans, c'est que Unidisc avait déjà son propre entrepôt et service de distribution pour des majors» tels que Sony, EMI et Warner. «Les produits d'Unidisc se rendaient en même temps que ceux des majors dans les magasins, alors on ajoute maintenant ceux de DEP dans la livraison. On réalise des économies d'échelle, tout en assurant un bon service aux producteurs et aux points de vente», fait M. Courtois.

Selon lui, ce genre de partenariat qui vise aussi la consolidation va se répéter dans l'industrie, au Québec comme ailleurs. «Tous les joueurs de cette industrie sont appelés à être sérieusement ébranlés dans les prochaines années», croit-il.

«Nous voyons une opportunité de nous investir dans DEP et dans les producteurs locaux (Tacca Musique), à travers la collaboration avec Universal», dit Val D'Amico, directeur du développement des affaires chez Unidisc depuis trois ans.

«DEP va continuer à travailler comme ils le font; la grande différence, c'est que nous allons traiter pour eux les commandes. Ce genre d'entente de consolidation a déjà été mise en place à Toronto, c'est devenu nécessaire», dit-il.

Ce vieux routier de l'industrie - M. D'amico a longtemps dirigé le bureau montréalais d'EMI Canada - est bien placé pour commenter la situation, ayant vécu tous les bouleversements de la dernière décennie.

«Il y a 15 ans, raconte-t-il, les disques se vendaient beaucoup, et jusqu'à 20 $, rappelle-t-il. Un de nos clients nous a présenté son plan pour le temps des Fêtes: il veut vendre ses CD à 10 $. Une grosse baisse. Il faut s'ajuster, ce n'est pas facile.»