«On est passé de band de la relève à band culte... Il y a eu un avant, un après, mais il n'y a pas eu de pendant», peste Alex Jones (leader de WD-40) dans ce documentaire de 2007 qui vient enfin de paraître en DVD. Un documentaire marquant. On se permet même ce cliché: un incontournable.

Le réalisateur, Pierre-Alexandre Bouchard (El Motor), y évite le piège de la musicographie. Bénissons-le. Car tous les ingrédients du genre étaient pourtant réunis: la lente montée de WD-40, des bars miteux au succès confidentiel sur la scène locale, jusqu'à la chute dans la grosse drogue sale et les querelles intestines.

 

Ce côté tragique est indéniable, et Bouchard ne l'évite pas. Les frères Alex et Étienne se confient - il n'y a pas d'autre mot - chacun de leur côté à la caméra. On dirait presque une mini thérapie. En interview comme dans leurs textes, ils sont immunisés contre la bullshit. On découvre l'impossible caractère du tandem - un polytoxicomane impulsif et un dépressif pantouflard. Le premier ira jusqu'à vendre son linge et l'ampli de l'autre pour payer sa drogue.

Le film montre aussi l'orage qui s'est toujours abattu sur le groupe maudit, avec les promoteurs incompétents, la sono qui meurt en milieu de concert et autres six-pouces du destin. Le fiasco à Saint-Fortunat vaut à lui seul l'écoute.

Mais heureusement, c'est un drame qu'on raconte. Pas un mélodrame. Au-delà de l'échec, le documentaire présente aussi ce qu'on adore de WD-40. Il y a plusieurs précieux documents d'archives: des moments en famille, des extraits de concerts (même les Raymond Sauvage!) et les voyages en camion, symbole du groupe.

Sur la route, l'humour remplace le pathos. Un humour parfois noir et cynique, un peu désaffecté et d'une lucidité impitoyable. «C'est pas que je déteste tout, c'est que tout me rend insatisfait», lance Étienne, déclenchant des rires jaunes. On connaît malheureusement surtout WD-40 pour sa vulgarité comique. Mais elle cache une rare sensibilité poétique, si crue qu'elle se coince dans la gorge pour y rester (Mouche à marde, Immortel, etc.).

Né pour être sauvage dépeint avec une rare finesse le personnage que l'on soupçonnait derrière ces textes: une bête à la voix caverneuse et hilare, mue à la fois par un appétit féroce pour la vie et un penchant pour l'autodestruction.

L'histoire de WD-40 méritait d'être racontée. Seulement, on n'est pas trop sûr de savoir si elle est terminée...

WD-40 - Né pour être sauvage de Pierre-Alexandre Bouchard, **** Productions Guérilla/ Papa Richard