Les deux ne font pas forcément la paire, au plaisir des amateurs de pop électronique. Ce soir, le National accueille deux formations qui n'ont en commun que le label qui les héberge, Domino Records: le joyeusement débile et nutritif Max Tundra et les confortables Junior Boys, auteurs d'un album concept en forme d'hommage à l'oeuvre du maître du cinéma d'animation Norman McLaren.

«C'est super de tourner avec Ben (Jacobs, alias Max Tundra)», affirme Matt Didemus, de Junior Boys, volubile même s'il ne s'est réveillé que 30 minutes plus tôt, dans une chambre d'hôtel de Washington. «Personnellement, ça m'ennuie lorsque la première partie d'un spectacle ressemble trop, musicalement, à la tête d'affiche. Ça devient monotone. D'ailleurs, les fans ont l'air d'apprécier nos différences.»

 

Avec l'excellent Parallax Error Beheads You, le Britannique Tundra a fait mouche, proposant une jubilatoire pop électronique qui chatouille Prince avec une plume arrachée à l'aile d'Aphex Twin. Ça brasse et ça groove de manière imprévisible. Les Canadiens de Junior Boys, tandem formé du bidouilleur/claviériste Matt Didemus et du chanteur/claviériste/guitariste Jeremy Greenspan, tendent à ramener le calme dans leur basse-cour en privilégiant une chanson pop douillette, richement orchestrée, bercée dans la constance d'un rythme house.

Une chanson qui a trouvé son public, d'abord dans le cercle des initiés à la pop électronique d'avant-garde. Didemus se souvient d'ailleurs de son premier concert à Montréal, à l'invitation du festival MUTEK, en 2004: «Ouais, nous n'étions pas très bons à cette époque, concède-t-il. C'était l'un de nos premiers concerts. On apprenait tout du métier: après le succès du premier single, on s'est fait dire qu'il fallait un album complet, puisqu'il fallait qu'on donne des concerts... À ce stade-là, nous n'étions que des gars de studio. Forcément, notre approche a changé, on compose de plus en plus en fonction des concerts.»

Hommage à McLaren

Le tandem vient nous présenter les chansons de son troisième album, Begone Dull Care, dont le titre a été emprunté à un court métrage d'animation conçu par Norman McLaren et Evelyn Lambart en 1949, sur une musique d'Oscar Peterson. «Malheureusement, nous n'avons pu obtenir des images du film pour nous accompagner en tournée - c'était trop compliqué, administrativement parlant.»

«C'est une idée de Jeremy, l'hommage à McLaren, poursuit-il. Nous sommes tous deux des admirateurs de son travail, mais notre disque n'est pas une sorte de concept autour de son oeuvre. En un sens, notre disque est autant une prise de conscience du métier d'artiste; McLaren a consacré sa vie à son art, lui faisant faire des bonds de géant. C'est un peu ce qu'on veut faire, à notre manière, et nous venons de le réaliser seulement, en travaillant sur notre troisième album, déjà. Les chansons abordent le processus créatif, notre vie personnelle dans tout ça, et la réalisation que notre vie n'est pas normale du tout.»

Didemus trace aussi un parallèle entre les méthodes de travail, McLaren utilisant la technologie de son époque, Junior Boys faisant de même avec ses synthés et ses ordinateurs. De plus, aussi audacieuse que fut la vision de McLaren, elle n'était jamais trop aride pour le grand public - le tandem canadien fait aussi une musique qui, s'adressant d'abord aux initiés, vise aujourd'hui un vaste public qui apprécie un type de pop riche et aérien, aux mélodies simples et touchantes.

Danser ou ne pas danser?

«Franchement, je ne sais pas trop si on veut que les gens dansent ou non durant nos concerts. Ça dépend beaucoup des foules qu'on rencontre», affirme Didemus. Sur scène, le duo s'accompagne d'un batteur, «pour donner un peu plus de tonus à nos chansons», ajoute le musicien.

«Certaines chansons nous paraissent trop calmes pour être jouées en concert. Pour les autres, les arrangements ont été modifiés, notamment pour accommoder le batteur. Sauf que notre musique n'est pas strictement house, elle n'est pas seulement faite pour danser. On s'insère quelque part entre ces deux pôles, la musique de club et de salon. C'est drôle, chaque concert est différent: parfois on danse, parfois non. Moi, j'aime bien lorsque les gens dansent.»

C'est noté.

Max Tundra et les Junior Boys en spectacle ce soir, 21h, au National.