Il a failli tout lâcher, mais la passion de griffonner des rimes et de les lier à des beats l'a emporté. Le rappeur montréalais Papaz revient à la scène après un silence de quelques années pour offrir «l'album-concept» sobrement intitulé 3.

Iro Productions frappe à nouveau, au bonheur de ses nombreux supporteurs (et de ses détracteurs...). La plus importante PME du hip-hop montréalais a lancé la semaine dernière le troisième disque de Papaz, proche collaborateur du duo L'Assemblée, qui participe d'ailleurs à cet album, tout comme les Koriass, Dupuis, DTM, PeeZee et le chanteur reggae Sir Jay.

 

«C'est mon meilleur album», dit Papaz, déjà remis de la fête qui a souligné le lancement de 3, la veille au Petit Campus. «J'ai mis beaucoup de soin à écrire les textes; j'ai vécu, j'ai vieilli depuis le dernier album, il y a quatre ans. Je suis moins perdu qu'à l'époque.»

Reste que les fans reconnaîtront le rappeur au sens de l'humour, disons, développé. C'est dans le concept de l'album, comme l'explique son auteur, détaillant la pochette: «Je voulais que l'album me ressemble, dit Papaz, qu'il reflète mes trois personnalités. Le côté businessman (on le voit en costard noir, mallette aux pieds), parce que ça prend un certain sens des affaires pour savoir se démarquer et gérer sa carrière, le côté plus drôle (il est déguisé en clown) et le rappeur que je suis. Ceux qui me suivent depuis le début savent qu'on trouve tout ça dans mes textes.»

Choisir la musique

C'est le côté «le clown est triste» qui frappe dès les premières mesures de 3. Pour la pertinence de ses rimes, pour l'authenticité de ses propos. Papaz n'a jamais été reconnu comme la meilleure plume du métier. Or, cette chanson, intitulée Ça fait longtemps, vient fermer le clapet à ses détracteurs. «Je n'ai pas trop insisté sur le côté drôle, je voulais que les gens retiennent que je sais être sérieux, aussi.» Ça fait longtemps ouvre avec éloquence l'album: Papaz abat ses cartes, confesse qu'il a bien failli tourner le dos à la musique, avant de retourner se lover dans les bras de sa muse.

«C'est une chanson pour m'excuser auprès de la musique», dit-il en justifiant son choix, cornélien à n'en point douter, d'accepter de se consacrer encore une fois au hip-hop. «J'ai 25 ans, j'ai une job, j'ai des rêves. Comme tout le monde, je veux mener une belle vie. La musique me convenait, mais ce n'est pas la panacée. À un moment donné, il faut faire des choix. Je ne veux pas me mettre dans le trou à poursuivre ma carrière musicale. Je fais beaucoup de sacrifices pour continuer à faire de la musique.»

Garder l'équilibre

Papaz a presque jeté l'éponge. Il a arrêté de donner des concerts avec L'Assemblée. Mais le rap l'a rattrapé: les fans prenaient des nouvelles par courriel, et le micro le titillait. Il a succombé.

Grand bien lui en fasse, ce troisième album est, hors de tout doute, le meilleur de sa courte discographie. S'inscrivant parfaitement dans le «son» Iro Production - un rap aux relents old school qui tente constamment de garder l'équilibre entre la «crédibilité» si chère aux purs et durs du rap et l'ouverture musicale visant le grand public -, le rappeur affûte son style sur des rythmiques pondues par Ray Ray, DJ Eklips, Ironik ou Beech. Mais c'est DJ Manifest qui remporte la palme, balançant deux potentiels tubes: le reggae pop de L'allure d'une star, une collaboration avec le chanteur reggae Sir Jay, et Un peu d'love, avec le chanteur Dupuis.

«C'est difficile de passer du rap à la radio montréalaise, explique Papaz. Curieusement, ce sont les radios en région qui nous diffusent le plus, qui prennent les risques. Mais à Montréal, pour passer, il faut des chansons accrocheuses, et depuis le She Boom de Kulcha Connection et Turn Your Head Around de L'Assemblée (avec Dupuis), on sait qu'il y a un peu d'intérêt pour des chansons à saveur reggae. Mais la meilleure façon de durer et d'espérer faire carrière, c'est d'être près de son public. Donner des concerts, faire des tournées, rencontrer les fans.»