La série dominicale d'été à l'orgue de Notre-Dame nous avait valu l'an dernier une petite révélation: Isabelle Demers, 25 ans, native de Lachine, à peu près inconnue ici et faisant carrière surtout aux États-Unis.

La jeune femme nous revenait dimanche avec un autre programme accordant une part importante à Max Reger, de toute évidence l'un de ses compositeurs de prédilection. Cette fois encore, elle montra une solide connaissance des ressources sonores et «orchestrales» du vaste Casavant à traction électropneumatique du lieu.

Reger monopolisait les trois premières pièces. La Fantaisie et Fugue en ré mineur, op. 135b, de 1916, dernière grande oeuvre pour orgue du compositeur mort cette année-là, était jouée dans sa version définitive amputée (par Reger) d'une quarantaine de mesures. L'organiste la traversa avec une constante clarté de lignes, y compris dans la complexe double fugue où une registration neutre, volontairement sans couleur, soulignait le «dodécaphonisme» du premier sujet.

Deux transcriptions de Reger encadraient l'op. 135b. Saint François de Paule marchant sur les flots, de Liszt, déjà très descriptif dans l'original pour piano, prenait une saisissante mobilité sous les claviers de l'orgue, alors que quatre inventions à deux voix, pour clavecin, de Bach étaient transposées en autant de couleurs différentes.

Le grand moment du récital reste cependant la vertigineuse Fantaisie et Fugue sur le choral Ad nos, ad salutarem undam, la plus longue des oeuvres pour orgue de Liszt. En dépit de très légers problèmes de technique, la jeune organiste en signa une réalisation absolument grandiose, registrant différemment chacune des 27 variations - exemple: d'éclatantes chamades pour la fanfare rythmique de la 6e variation - sans jamais perdre de vue le thème unique.

Mais c'était folie que d'ajouter quoi que ce soit à un tel éblouissement. Je suis donc parti pendant le petit morceau additionnel, préférant demeurer sur l'impression du Ad nos.

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ISABELLE DEMERS, organiste. Dimanche soir, basilique Notre-Dame (orgue à traction électropneumatique Casavant (1890-1991); 92 jeux, quatre claviers manuels et pédale).