Ted Bundy, l'un des plus terrifiants tueurs en série de l'histoire des États-Unis, fait un étrange retour dans la culture populaire avec une série documentaire sur Netflix et un film à venir mettant en vedette le beau Zac Efron. Trop beau, selon certains, pour incarner un psychopathe, ce qui était pourtant la particularité de ce meurtrier qui charmait tout le monde, même à son procès et en prison.

Depuis la diffusion de la bande-annonce du film Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile de Joe Berlinger, la discussion va bon train sur les réseaux sociaux. Le comédien Zac Efron, qui a hérité du rôle de Ted Bundy, est-il trop beau pour incarner un maniaque sadique? N'est-on pas encore devant un cas de vedettisation et d'hypersexualisation d'un type horrible? C'est bien connu, on retient plus le nom des tueurs que de leurs victimes, et il faut dire que le ton léger, voire comique, de la bande-annonce a de quoi laisser perplexe.

Mais la plupart des journalistes qui ont vu le film en grande première au festival de Sundance le 26 janvier dernier semblent d'accord pour dire que la bande-annonce est aussi trompeuse que l'était Ted Bundy (et que le rôle représente un tournant dans la carrière d'Efron). Cette fiction serait plutôt tournée du point de vue d'Elizabeth Kloepfer (jouée par Lily Collins), qui a été la compagne de Bundy sans savoir qu'il assassinait régulièrement des jeunes femmes.

C'est le même réalisateur, Joe Berlinger, qui a signé la série documentaire Conversations with a Killer: The Ted Bundy Tapes, dont les quatre épisodes sont présentement offerts sur Netflix.

La série est basée sur des enregistrements de deux journalistes qui ont interviewé Bundy en prison. L'intérêt de ces discussions disséminées dans le portrait d'ensemble tient à un point de bascule, une astuce de journaliste, qui demande à Bundy son «expertise» (il a déjà étudié la psychologie), pour comprendre les motivations du tueur qui terrorisait l'Amérique pendant les années 70. Le revirement est assez spectaculaire lorsque Bundy commence à parler à la troisième personne de ses atrocités - une trentaine de jeunes femmes (probablement plus) qui ont été enlevées, agressées sexuellement et sauvagement assassinées, dans plusieurs États américains. Nécrophile, il retournait voir les cadavres pour s'exciter encore et conserver des souvenirs. Et pourtant, il est persuadé d'être un homme tout à fait sain d'esprit.

Manipulateur extrême

Mais ce qui ressort de ce documentaire est l'étrange charisme de Bundy, qui réussissait à berner tout le monde. Homme toujours bien mis, souriant, physiquement séduisant, très caméléon dans ses looks, fils d'une famille respectable et sans histoire, la plupart des gens qui l'ont croisé étaient incapables de le voir comme un psychopathe sanguinaire. C'est d'ailleurs ce qui a aussi trompé la plupart de ses proies, qui n'ont jamais vu le danger. Ses parents, ses copines et ses amis l'ont défendu, alors qu'il jouait la victime innocente, réussissant même à charmer les policiers et les journalistes avec qui il badinait - ce qui lui a permis aussi de s'évader deux fois en baissant la garde de ses geôliers, avec des conséquences funestes pour de nouvelles victimes pendant ses escapades.

Dans une fureur décuplée lors de son évasion en 1978, il a eu le temps d'attaquer cinq étudiantes dans une résidence, dont trois ont survécu, et une empreinte de ses dents sur le corps d'une victime sera utilisée lors de son procès.

Ce procès, dont nous voyons des extraits, est un vrai cirque suivi avidement par les Américains à la télé, qui montre l'étendue du narcissisme extrême de Bundy. Il veut se défendre lui-même, court-circuite le travail de ses avocats complètement découragés, fait son «smatte» devant le juge, pendant que dans la salle remplie de curieux, des femmes avouent leur attirance pour le monstre. L'une d'elles, Carol Ann Boone, qu'il a demandée en mariage publiquement à son procès (le show Bundy dans toute sa splendeur), ira même jusqu'à lui faire un enfant en prison...

À aucun moment, Ted Bundy ne laissera transparaître le moindre remords, correspondant parfaitement à cette idée que le psychopathe est dénué d'empathie. Manipulateur jusqu'au bout, il utilisera ses confessions sur l'emplacement des corps de ses victimes comme monnaie d'échange, à la dernière minute, uniquement pour sauver sa peau. En vain, puisqu'il sera exécuté le 24 janvier 1989, pendant qu'une foule en liesse célébrera sa mort à l'extérieur du pénitencier.