Il n'y a pas si longtemps, il y avait grosso modo trois façons de raconter une histoire dans les médias: avec le son, avec l'image, ou encore avec un texte accompagné de photos.

Aujourd'hui, les outils à la disposition des journalistes sont de plus en plus nombreux et évolués. Parmi mes préférés, l'application Storify, qui vient de remporter le prix de la meilleure entreprise en démarrage (start-up) dans le domaine journalistique au festival South by Southwest, à Austin.

Storify est un outil très simple qui est déjà utilisé par plusieurs médias du monde entier. Il permet de raconter une histoire selon les principes du multimédia: à partir de textes, de vidéos (YouTube, par exemple), d'images (Flickr), mais aussi de messages Twitter et Facebook.

Plutôt que de lire un texte présenté sous forme traditionnelle, le lecteur fait défiler à la verticale un collage de textes, d'images, de messages Twitter, d'extraits vidéo, etc.

Le résultat ressemble parfois à un exercice de scrapbooking en ligne. Storify n'est d'ailleurs pas réservé aux journalistes; monsieur et madame Tout-le-Monde peuvent l'utiliser pour raconter, par exemple, l'entrée à l'école de leur plus vieux, en version numérique. On imagine très bien les usages qu'on pourrait faire de cet outil en milieu scolaire, lorsque vient le temps pour les élèves de faire un travail de recherche.

Le site d'information Rue89 (rue89.com) vient de l'utiliser pour couvrir les cantonales et le site owni (owni.fr) pour raconter, ironiquement, la petite histoire de la naissance de... Storify.

Le Washington Post est sans doute le quotidien qui a le plus utilisé l'application au cours des derniers mois. Récemment, pour raconter l'histoire de la démission de la très médiatisée responsable des écoles publiques à Washington, Michelle Rhee, le quotidien s'est servi de Storify pour mettre en valeur les nombreux commentaires suscités par l'annonce du départ de Mme Rhee. Le journaliste a ainsi rédigé quelques lignes pour mettre la nouvelle en contexte puis il a laissé la parole aux internautes en affichant leurs réactions recueillies sur Twitter et Facebook. Non seulement le résultat final est plus visuel et plus agréable à lire, mais il est aussi beaucoup plus vivant et permet la participation des lecteurs du Washington Post.

Il n'y a pratiquement pas de limites à ce qu'un journaliste peut faire avec Storify. Outre les réactions, on peut intégrer les résultats d'une recherche sur Google sur un sujet donné, des photos, des notes manuscrites, des photocopies de documents officiels, etc. Un journaliste judiciaire peut ajouter la photocopie d'une citation à comparaître dans le cadre d'un reportage sur un procès; un journaliste culturel peut faire le résumé d'un spectacle en intégrant les commentaires de spectateurs qui ont écrit sur Twitter, un extrait sonore, un extrait vidéo, etc.

La chaîne de télévision Al-Jazira, qui a beaucoup utilisé Storify dans sa couverture du printemps arabe, est même en train de plancher sur un projet d'émission de télévision inspirée de cette plateforme interactive.

Les histoires visuelles vont-elles remplacer le texte écrit? Sans doute pas. Mais l'internet a toujours influencé l'écrit et il est certain que les nouveaux outils auront des répercussions sur la forme narrative dans les journaux et les magazines au cours des prochaines années. La prochaine génération de lecteurs est une génération de l'image, habituée à ce qu'on communique avec elle visuellement, avec beaucoup de graphiques, de photos, de mots clés, de nouvelles brèves... Il y aura toujours une place pour les reportages plus longs et les grandes enquêtes, pour les papiers fouillés et les analyses en profondeur, mais on les présentera dans une forme plus vivante, plus près de ce qu'on trouve sur le web aujourd'hui.

L'information autrement

Un bon exemple de cette tendance à présenter l'information sous forme imagée s'observe sur le site Short Form Blog. Construit à l'aide de l'outil tumblr, il s'agit d'un blogue collectif où on constate un véritable effort pour présenter les nouvelles de façon très visuelle. En entrevue sur le site Mediaite, le fondateur de SFB, Ernie Smith, a expliqué que des sites comme le sien sont l'équivalent d'une salle de rédaction virtuelle au sein de laquelle des blogueurs indépendants collaborent à une même histoire. Selon Smith, c'est une formule qu'on risque de voir se multiplier. Elle permet la mise en commun de ressources et de connaissances. Elle permet aussi de faire évoluer une histoire ou un reportage pratiquement en temps réel, au fur et à mesure que l'information est accessible. Allez voir le résultat sur le site: shortformblog.tumblr.com