Six ans après la parution de son plus récent recueil, le plus petit espace, et de quelques essais, Louise Warren retourne à la poésie en suivant la ligne d’incertitude. Un livre nourri par les doutes parmi lesquels l’écrivaine se meut et s’émeut du moindre tressaillement du monde.

Dans le dépouillement de son écriture, Louise Warren accorde à chaque mot une réelle densité, une vibration unique. Elle se saisit de ces fragilités, tremblements et mouvements de toutes sortes pour apercevoir des lignes de fracture. Mais si les mots sont justes, le doute persiste puisque tout change tout le temps. Ainsi, la poète éprouve « l’inquiétude devant la dureté » qui ébranle les âmes.

La surprise l’attend, heureusement, à chaque détour de l’existence. Il s’agit d’un aller-retour constant entre son « oreille absolue » d’artiste et la nature ainsi que le monde qui s’ébruitent autour d’elle. Chacun des poèmes résonne au diapason de son écoute attentive : le sol recule, la lumière soulève les formes, les ronces percent l’air, l’iceberg parle, la roche devient présence, la neige s’amplifie, les traces disent le réel.

Comme pour nous tous, les deuils se sont accumulés au cours des années pandémiques. L’actualité effectue alors une rare percée dans sa poésie. Elle apparaît dans un texte qui trouve tout de même une sorte de réconfort dans les gestes simples du quotidien : « frayeurs/intensités/complots/les maladies du siècle//je donne de l’eau/du trèfle/à mes jours ».

Louise Warren, en véritable équilibriste des sensations, emprunte un sentier jamais parfaitement dégagé, sans perdre pied. Entre certitudes et incertitudes. Le langage, les mots, l’écriture demeurent ses fidèles complices qui lui permettent de chercher sans relâche afin d’en arriver à dessiner une « forme pour s’apaiser ».

Les quelques vers suivants, « à travers les étoiles/les ondes filent//tu ouvres un livre/entends/battre ton cœur », confirment que la littérature, et aussi les arts visuels, lui a toujours permis de traduire la vie. Les créations d’autres artistes la guident amicalement vers une (in)certaine sérénité. En fait foi le magnifique dessin au graphite de Julie Bénédicte Lambert en couverture, lui aussi tout en mouvement.

En fait, Louise Warren affectionne les ateliers et le travail sur la matière. Peu commenté l’an dernier, son magnifique coffret aussi publié au Noroît, Vivaces, est un atelier mobile de lecture et d’écriture en 9 mouvements et 99 cartes qui nous introduisent au « théâtre intérieur » de quiconque saura partager sa quête sensible et portera, avec elle, « l’urne sacrée du poème ».

la ligne d'incertitude

la ligne d'incertitude

Noroît

144 pages

8/10