Cet été, La Presse vous parle de romans qu’il fait bon lire en vacances, chez soi ou ailleurs. Cette semaine : Et c’est ainsi que nous vivrons, de Douglas Kennedy.

L’histoire

Avec ce nouveau titre qui vient d’atterrir en librairie, Douglas Kennedy poursuit son portrait des États « désunis » d’Amérique amorcé l’an dernier dans Les hommes ont peur de la lumière. Et cette fois-ci, il a choisi la voie du roman d’anticipation pour braquer les projecteurs sur toutes les sources de division qui déchirent son pays. L’année est 2045. Voilà près de 12 ans que les États-Unis n’existent plus ; les États des côtes Est et Ouest, ainsi que quelques États du centre, font désormais partie de la République unie. Tout le reste appartient à la Confédération unie, un territoire où les drapeaux confédérés côtoient allègrement les crucifix. Puis il y a Minneapolis, une zone neutre divisée en deux depuis la Sécession – sorte de Berlin du XXIe siècle. C’est là que l’agente Samantha Stengel doit se rendre en mission afin d’éliminer une cible ennemie. Mais prise dans l’étau des guerres d’espionnage que se livrent les deux nations, elle risque d’y laisser sa peau au nom d’un idéal auquel elle n’est plus tout à fait certaine de croire.

Pourquoi le lire ?

Douglas Kennedy fait preuve d’une audace sans précédent dans ce roman où il a déployé toute l’inventivité dont il est capable afin de refléter les fractures sociales qui minent les États-Unis depuis quelques années. Il a poussé la réflexion aussi loin que possible pour imaginer comment le pays, dans sa situation actuelle, pourrait dériver au point de se séparer. Le moment où tout a basculé, écrit-il, est l’année 2016. Celle « où les divisions grandissantes au sein de la population américaine sont devenues irréparables ». Où le pays a élu comme président, précise-t-il, « un gangster de l’immobilier, dont la renommée nationale reposait sur une émission de téléréalité ». Si l’écrivain américain avait clairement laissé transparaître ses convictions politiques et sociales dans Les hommes ont peur de la lumière, il se lance à fond dans Et c’est ainsi que nous vivrons et multiplie les charges contre les positions républicaines – et surtout contre Donald Trump, qu’il n’hésite pas à attaquer directement. En revanche, tout n’est pas parfait de l’autre côté non plus, et c’est ce qui rend son roman d’autant plus intéressant, sans aucun doute, car il n’idéalise aucun acteur de ce nouvel échiquier mondial où les citoyens se retrouvent, de part et d’autre, englués dans un système sur lequel ils n’ont finalement aucune prise.

On aimera aussi…

Le débat autour de l’avortement était au cœur du roman précédent de Douglas Kennedy (Les hommes ont peur de la lumière) et l’écrivain aborde de nouveau dans Et c’est ainsi que nous vivrons ce sujet particulièrement clivant aux États-Unis par les temps qui courent. C’est également le thème principal de Mercy Street, plus récent roman de l’Américaine Jennifer Haigh (paru l’hiver dernier chez Gallmeister), qui traite de la question à travers l’histoire d’une femme de 40 ans employée dans une clinique d’avortement, à Boston. À travers son quotidien, ses choix et ses questionnements se dessine un portrait social fort intéressant qui place l’autrice (qu’on avait découverte avec son roman Ce qui gît dans ses entrailles, sur l’exploitation des ressources naturelles) parmi les plumes engagées les plus brillantes du roman contemporain américain.

Et c’est ainsi que nous vivrons

Et c’est ainsi que nous vivrons

Belfond

336 pages