Au cours des années 80, les amateurs de dub, hip-hop, post-punk, rock alternatif ou même industriel ont été touchés de près ou de loin par les enregistrements, remixes et réalisations d'Adrian Sherwood, toujours en selle et invité de marque au 16e MUTEK.

On l'a découvert via son label On-U Sound Records, qui fut la demeure de groupes et artistes importants des années 80 et 90: Tackhead, dont Sherwood faisait partie, mais aussi Dub Syndicate, The London Underground, Gary Clail, Audio Active et autres Asian Dub Foundation.

Fan fini de reggae et de ses prolongements dub, l'artiste londonien a aussi travaillé avec moult pointures jamaïcaines (ou d'origine jamaïcaine) tels Mikey Dread, Prince Far I, Lee Scratch Perry, Bim Sherman ou le tandem Sly&Robbie. En tant que réalisateur ou remixeur, il s'est penché sur des cas aussi célèbres que disparates: Einstürzende Neubaten, Ministry, Cabaret Voltaire, Coldcut, Depeche Mode, Primal Scream, Nine Inch Nails, on en passe...

«La nostalgie, c'est la mort»

Né en 1958, Adrian Sherwood se décrit aujourd'hui comme un jeune homme... avant de pousser un rire autodérisoire au bout du fil.

«En musique, mon premier amour est la vieille école du dub et du reggae, mais je ne suis pas un idiot nostalgique. Nous sommes en 2015, je m'adresse à un public jeune et je n'ai plus envie de diffuser du Channel One en tant que DJ. La nostalgie, c'est la mort! Je préfère fréquenter les Pinch, Machinedrum ou Fred Gibson, formidable réalisateur et musicien de

22 ans qui a déjà travaillé avec Brian Eno.

«Je ne veux pas travailler qu'avec des amis de mon âge, bien que je leur reste fidèle. Or, j'en ai perdu... Certains ont même été assassinés!», ajoute-t-il.

Ni jeunistes ni nostalgiques ne sont admis dans la forêt de Sherwood (pour reprendre la métaphore Robin des Bois).

«Le beau côté de mon âge et de mon expérience, c'est que je peux servir les plus jeunes tout en apprenant à leur contact. Ainsi, je ne reste pas collé sur une page de mon propre livre. Je travaille actuellement au prochain album de Roots Manuva, un nouvel album avec Pinch est en chantier, et j'ai trois autres projets d'enregistrements en tant que compositeur ou réalisateur.»

La contrainte économique serait aussi source de motivation pour lui:

«Vous savez, je n'ai jamais eu de grand succès commercial et je n'ai jamais été un follow fashion monkey. Aujourd'hui, j'ai l'obligation de créer et de produire, car je n'ai pas le luxe de relaxer en encaissant mes droits d'auteur... que je n'ai pas! Je dois donc me botter le derrière et rechercher les meilleurs contextes créatifs. Merci, la vie, je reste alerte.»

Sherwood et Pinch

Depuis un moment, Adrian Sherwood travaille avec un des plus brillants artistes électro de la scène anglaise: Rob Ellis, alias Pinch. Avec l'artiste de Bristol, il a lancé l'album Late Night Endless au début de l'année.

Sherwood décrit sa relation professionnelle avec Pinch comme une «force». «Je l'ai vu à l'oeuvre lors d'une soirée Tectonic à Londres, après quoi il m'a demandé de partager un programme avec lui. J'avais conclu mon set d'une manière plutôt violente, après quoi il avait relancé l'affaire très calmement pour ensuite acquérir de la puissance et l'agressivité de ma conclusion. Impressionnant!

«Puis nous avons envisagé de réaliser et de composer ensemble pour le plaisir. Très rapidement, nous étions en studio et enregistrions notre premier album. Depuis lors, il y a une super vibe entre nous; nous nous voyons même réaliser ensemble d'autres artistes.»

Nuit sans fin

Devant public, Sherwood et Pinch prévoient balancer des fragments de Late Night Endless autour desquels ils comptent créer en direct.

«À partir de ces fondements, nous développons quelque chose de différent chaque soir. On peut reconnaître les accroches et les grooves de l'album, mais le reste peut toujours changer. Nous pouvons, par exemple, filer jusqu'à 140 bpm et maintenir cette vélocité. Ce que nous cherchons à atteindre est à la fois classy et provocateur.»

Et si le temps est beau, on pourra assister demain à un DJ set gratuit au Parterre du Quartier des spectacles, gracieuseté d'Adrian Sherwood.

«Je ne me suis jamais considéré comme un DJ, mais je le suis devenu par la force des choses, convient le principal intéressé. En y ajoutant quelques effets, je ferai jouer mes propres musiques, mais aussi celles d'autres artistes, par exemple Congo Natty [Michael West] ou le sound system Mungo's Hi Fi. Nous ferons donc un petit voyage sympathique ensemble.»

Au Métropolis ce soir, 22h (avec Pinch); au Parterre du Quartier des spectacles demain, 15h (seul).