L'harmoniciste belge Toots Thielemans donnera ce soir le concert d'ouverture du Festival Montréal en lumière, dont il est le coprésident d'honneur avec Luc De Larochellière. Au fil de sa longue carrière, ce musicien, qui fêtera ses 90 ans le 29 avril, a joué aussi bien avec Charlie Parker qu'avec Paul Simon. S'il ne joue plus de guitare et ne siffle plus, Toots Thielemans sait toujours toucher droit au coeur avec son inséparable harmonica.

La dernière fois qu'on vous a vu, en 2005, vous donniez encore plus de 200 concerts par année. L'an dernier, vous avez joué aussi bien au Festival de jazz de Detroit qu'au Japon. Comment faites-vous?

Je suis moins actif. Avant ce concert à Montréal, j'ai un petit trac, je dois dire... un peu à cause de mon âge (rire). Mes yeux ne sont pas formidables, mon oreille non plus, et je boite un peu. Je ne joue plus de guitare, je ne siffle plus, mais pour l'harmonica, jusqu'à présent, ça va bien. Il faut inspirer et expirer continuellement, mais j'ai une petite technique qui me sert bien, pas pour les longues notes, mais quand ça va vite. Sinon je manque de souffle.

Vous dites que vous êtes votre plus grand critique?

Oh oui! J'entends ce que je joue. Kenny [Werner, le pianiste qui l'accompagne] est un peu mon baromètre, mon juge. Et comme il enseigne, il est mon contact avec les jeunes musiciens d'aujourd'hui. Quand je lui demande si je tiens encore la route, il répond que les jeunes sont impressionnés par ce que je fais, par mes mélodies.

Quels musiciens vous ont le plus marqué?

Le vrai ouragan, c'était Jaco Pastorius, bien sûr. Il était incroyable. En 1979, Weather Report s'était séparé et il faisait son machin solo à Berlin, où je jouais avec un petit trio belge. Un journaliste lui a demandé avec qui il aimerait faire un duo et il a demandé de jouer avec moi. Il y a aussi Bill Evans, dont j'ai fait la connaissance quand il était soldat dans les années 50. Je l'ai revu dans les années 70, il voulait jouer avec moi et il est venu m'écouter dans une boîte en face du Village Vanguard. Il est tombé amoureux de I Do It For Your Love, de Paul Simon. Dommage qu'on ne la joue pas avec Kenny.

Y a-t-il de jeunes harmonicistes qui retiennent votre attention?

Oui. Grégoire Maret, un jeune Suisse-Afro-Américain qui joue avec Cassandra Wilson. Et Olivier Ker Ourio, un Français qui a grandi dans l'île de la Réunion. Il est très bon. Ils parlent tous en bien de moi, mais soyons logique, ils n'ont pas besoin de moi.

Quelle est votre qualité principale?

Si j'ai un point fort, c'est peut-être l'émotion que je transmets. J'essaie de rester un bon musicien, bien sûr, mais quand j'ai joué What a Wonderful World au Japon, l'automne dernier, les gens ont pleuré. Plusieurs musiciens jouent beaucoup de notes beaucoup plus vite que moi, plus vite que la normale, mais parfois ça vient surtout du cerveau et des doigts et ça passe un peu à côté de la note bleue. Par contre, je trouve passionnant l'influx de musique hindoue, par exemple [le pianiste] Vijay Iyer et [le saxophoniste] Rudresh Mahanthappa, deux Américains aux racines indiennes.

Toots Thielemans, au Théâtre Maisonneuve, ce soir à 20h.