Elles se font rares à la barre des galas Juste pour rire. Bien que depuis 1985, Dominique Michel ait animé 25 galas, Marie-Lise Pilote et Lise Dion n'ont tenté l'aventure qu'une seule fois, en 1997. Et l'an dernier, Cathy Gauthier a relevé le défi aux côtés de deux collègues masculins.

Les galas de cet été seront animés par Mike Ward, Jean-François Mercier, Philippe Bond, Emmanuel Bilodeau, Éric Salvail et Laurent Paquin. Que des hommes! À la veille de la Journée internationale de la femme, La Presse s'interroge: les Galas Juste pour rire seraient-ils une affaire de mâles?

«Non», répond d'emblée Christian Viau, directeur aux contenus des galas. «Jusqu'à la dernière minute, on était prêt à changer le thème d'un des galas pour pouvoir compter une femme à l'animation, dit-il. On en a approché quatre, Dominique Michel a refusé pour une question de santé et Lise Dion à cause de son agenda trop chargé.»

Mais, selon M. Viau, n'anime pas un gala qui veut. «Tout le monde n'est pas capable de faire ce travail. Des femmes en humour au Québec du calibre de Dodo, Denise, Clémence ou de Lise Dion, il n'y en a pas des tonnes», affirme-t-il.

«La relève promet des années de prospérité à venir pour les femmes à Juste pour rire. Mais, aujourd'hui, malgré leur incroyable talent, les Korine Côté et Mélanie Couture ne sont pas encore prêtes. Je ne veux pas envoyer n'importe qui avec le risque que la personne se plante!»

Cela dit, le gérant de Marie-Lise Pilote, Éric Young, aurait apprécié un coup de fil. «Je dois dire que j'ai eu la même réflexion à propos du manque de femmes à l'animation des galas. C'est un peu spécial quand on sait que 70% des billets pour les spectacles d'humour sont achetés par des femmes. Marie-Lise aurait tout de suite accepté et son agenda le lui aurait permis, surtout qu'elle avait adoré son expérience en 1997.»

De l'avis d'Éric Young, le choix des animateurs de galas est en grande partie politique.

«Juste pour rire doit être en mesure de gérer la notoriété de l'animateur pour capitaliser les ventes de billets, explique-t-il. Il y a aussi des intérêts sous-jacents, comme qui produit qui, mais aussi un choix de la part du diffuseur (TVA) des galas à la télévision. Emmanuel Bilodeau est un bon humoriste produit par les Productions J et Éric Salvail est une tête d'affiche de TVA, ce qui n'enlève rien à leur talent. Toutes ces composantes font que liste des candidats intéressants devient rapidement assez courte.»

De son côté, Lucie Joubert, professeur titulaire au département de français, spécialisée dans l'humour et l'écriture des femmes, ne s'étonne pas de l'absence de femmes à la tête des galas.

«Le nombre si restreint de femmes en humour s'explique en partie par le fait qu'elles ont moins besoin de se retrouver à l'avant-scène que les hommes, avance-t-elle. Elles vont beaucoup plus mesurer le facteur de risque. Je discutais avec Julie Caron qui me disait qu'elle connaissait beaucoup de filles plus drôles qu'elle, mais qu'elles n'avaient pas le même besoin d'aller sur scène.»

Même son de cloche chez Louise Richer, directrice de l'École nationale de l'humour.

«Quand j'ai vu la photo de groupe des animateurs des galas cette année, je me suis vraiment fait la réflexion que ça manquait encore une fois de femmes. Juste pour rire est encore un «boy's club»! En moyenne, nous avons 30% de femmes à l'ENH. Les trois finissantes de cette année savent où elles s'en vont et ne doutent pas d'elles-mêmes. Mais il est vrai qu'en humour, les femmes se remettent encore beaucoup plus en question que les hommes et ça peut leur nuire», conclut Mme Richer.