Prenez deux jours intensifs de métal lourd et une température collante (samedi), ajoutez un nouveau site plus intime, de la bière (quelques-unes), des t-shirts noirs, des tatouages et des milliers de suppôts de musique du diable et vous aurez une vague idée de la huitième édition d'Heavy Montréal, qui s'est tenue en fin de semaine au parc Jean-Drapeau.

Samedi, en marchant vers le site en sortant du métro, on entendait au loin les premiers beuglements du festival, qui misait cette année sur un retour à un métal pur et dur, à des années-lumière du flirt punk entrepris les années antérieures.

À l'oeil, une édition plus faible en matière de fréquentation, même si evenko n'était pas en mesure de dévoiler le nombre de spectateurs, hier. «On est très contents. Notre priorité était l'expérience des fans et des artistes, et c'est sûr qu'on revient l'an prochain», a néanmoins assuré, satisfait, le vice-président aux concerts et événements chez evenko, Nick Farkas, en parlant d'une année de transition. «Mais pour Heavy Montréal, on essaye toujours des choses, donc c'est une année de transition aux deux ans», a-t-il plaisanté.

Malgré des critiques entendues lors du dévoilement de la programmation, peu de festivaliers croisés semblaient déplorer l'absence d'acteurs plus fédérateurs cette année. «On ne peut pas toujours avoir de gros noms, et ça se prête aux découvertes», croit Jimmy Diamond, venu de Terrebonne pour prendre son fix musical. «C'est ma journée métal de l'été. L'ambiance est excellente et il y a des gens de tout âge, autant des enfants que des sexagénaires», ajoute le métalleux, attiré d'abord par les groupes Animals as Leaders, Beartooth et Volbeat.

Les hostilités ont été lancées samedi sous un soleil de plomb. La foule devait d'abord un peu prendre son mal en patience à la guérite, où la sécurité s'adonnait à la vérification des sacs, en plus de soumettre tous les festivaliers au détecteur de métal.

Des amateurs de métal devant un détecteur de métal, pas le choix de trouver ça drôle.

On débarquait sur le nouveau site du festival sur la Plaine des jeux, une sorte de vallon entouré d'arbres, ce qui donnait un petit air champêtre à l'événement. Le sol en paillis rendait aussi l'ambiance moins poussiéreuse que sur le gros parterre, où des dizaines de milliers de jeunes adeptes de musique électronique se trémoussaient simultanément à ÎleSoniq. Malgré des goûts aux antipodes, la cohabitation s'est faite sans effusion de sang, même si la vision des deux faunes dans le métro samedi soir était anthropologique.

Samedi

Située à l'écart, la petite scène Blabbermouth.net - jolie sous les arbres - proposait des bands plus undergound, dans le même secteur que la scène Heavy Mania, où des combats de lutte étaient organisés pour la quatrième année.

Les fans ont eu la chance de voir à l'oeuvre les chouchous locaux de Kataklysm, qui ont balancé quelques pièces de leur dernier album Of Ghost and Gods.

Ces bêtes de scène, le chanteur Maurizio Iacono en tête, ont interagi pas mal avec le public. «Si le métal est votre religion, mettez votre main dans les airs!», a ordonné Iacono, après l'excellente Crippled & Broken.

On a senti qu'on venait de passer aux choses sérieuses lorsque les Suédois de Sabaton - un gros coup de coeur - ont grimpé sur scène, accompagnés d'explosions, de pétards, de flammes et même d'un tank. 

Evenko nous avait ensuite organisé une entrevue avec Jason Hook, le guitariste de Five Finger Death Punch, une des deux têtes d'affiche du festival avec Disturbed.

Un moment surréaliste, puisque la rencontre avec le musicien se déroulait dans un boisé, près d'un ponceau, un peu à l'écart du site. «Le festival ici a bonne réputation, les fans québécois nous accueillent à merveille et ont de l'énergie à revendre», a raconté l'artiste originaire de l'Ontario, avant d'interrompre la conversation pour aller saboter l'entrevue télévisée de son compagnon en chantant My Heart Will Go On de Céline. «Je ne suis pas fan, mais je respecte ce qu'elle fait», a confié le guitariste, dont le groupe reviendra à Montréal dans quelques semaines pour une tournée avec Papa Roach.

Il faisait bon ensuite de revoir Mastodon, qui avait raté le festival l'an dernier. Pendant que les guitaristes torturaient leurs instruments sur High Road, des gens commençaient à se diriger vers l'autre scène, où s'amenait ensuite Nightwish, guidé par sa prêtresse gothico-métal Floor Jansen. «Cette nuit sera spéciale, très spéciale», a-t-elle lancé, au milieu d'un festival de flammes, d'explosions et d'animations sur écran géant.

Le groupe a joué plusieurs pièces de son dernier album Endless Forms Most Beautiful, dont Élan et Shudder Before the Beautiful.

L'intensité a grimpé d'un cran à l'arrivée de Five Finger Death Punch en fin de soirée. La foule était survoltée dès les premières notes de Lift Me Up. Le chanteur Ivan L. Moody était en grande forme derrière son micro satanique. Le groupe a joué une douzaine de pièces, dont Wrong Side of Heaven, Got your Six et Never Enough.

Au même moment, à l'autre extrémité du site, on changeait radicalement d'ambiance avec les Suédois Cult of Luna, qui régalaient leurs fans avec leurs longues et intenses pièces atmosphériques.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPéCIALE

Nouveauté cette année: le festival Heavy Montréal a dû partager samedi le parc Jean-Drapeau avec les amateurs de musique électronique venus pour ÎleSoniq.

Dimanche

On appréciait les nuages et une légère brise hier, pendant que les Québécois de Despised Icon commandaient un «mur de la mort» à leurs fans. «J'ai juste raté le premier Heavy Montréal. Je trouve ça ben correct, le retour au métal pur», a commenté Guy Rochon, de Boisbriand.

La plus jeune festivalière était sans doute la petite Phoenix, un an et demi, qui assistait à son deuxième Heavy Montréal en compagnie de sa mère Élisa Jacques. «Le site n'est pas très accessible cette année avec la poussette», a noté la jeune maman, pendant que la pluie s'abattait brièvement pendant l'excellente prestation d'Animals as Leaders.

Les solos-fleuves de Zakk Wylde (en version solo) résonnaient ensuite sur le site, pendant que les files s'étiraient aux toilettes sèches, un bémol pendant le festival.

Autre moment fort du festival, le passage du groupe metalcore Killswitch Engage en début de soirée. La foule, plus nombreuse hier, commençait même à être compacte devant la scène. Le guitariste Adam Dutkiewicz intimidait son public en l'incitant au vice. «Vous cachez les gens, ayez au moins la décence de flasher vos boules», a-t-il lancé aux filles juchées sur des épaules.

Le groupe a offert une solide prestation, interprétant notamment Hate by DesignHoly Diver (reprise de Dio) et la populaire End of a Heartache.

Tout juste après, le chanteur de Napalm Death Mark «Barney» Greenway était possédé sur scène, l'arpentant de long en large pendant qu'il déversait son fiel à la petite foule hypnotisée.

Un violent répit avant l'arrivée de Volbeat, le plaisir coupable des métalleux, avec sa palette unique variant entre rockabilly, heavy et country.

Situé quelque part entre Elvis, Johnny Cash et Metallica, Michael Poulsen et sa bande ont notamment balancé les Lola Montez, Sad Man's Tongue, sans oublier une visite-surprise du chanteur de Napalm Death.

Au moment d'envoyer ces lignes, une foule monstre (sans doute la totalité du site) s'était rassemblée devant Disturbed, qui avait reçu le mandat de clôturer le festival.

Au son de Stricken, les festivaliers savouraient les derniers moments de cette fin de semaine riche en décibels, pendant que les canons à eau tentaient en vain de refroidir leurs ardeurs.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPéCIALE

Five Finger Death Punch, une des deux têtes d'affiche du festival.