Amis, et collaborateurs, de longue date, Brigitte Poupart et Dave St-Pierre présentent leur nouvelle pièce dans le cadre du FTA. Elle femme de théâtre, lui homme du mouvement. Et sans doute l'inverse aussi. Artistes complets, en fait, qui en compagnie d'autres artistes, dans cette pièce saisissante qui ne laisse ni indifférent ni tranquille, repoussent les limites de ce qui est attendu et accepté sur l'espace scénique. Avec ampleur, intensité, puissance mais non sans une vraie poésie, une grande beauté visuelle, une subtilité improbable mais marquante. Une prégnance musicale obsédante, jouée live, qui constitue un des éléments majeurs et magiques de l'équilibre de l'ensemble.

Cette pièce apparaît manifestement très travaillée. On sent un processus long, en tout cas, mûri. On constate qu'elle a fait l'objet de remises en questions et de réflexions de second degré. Du coup Poupart et St-Pierre parviennent, contre toute attente, à dépasser les clichés dans lesquels on peut si facilement tomber - et dans lesquels on les aurait attendus -, par répétition ou habitude, lorsqu'on cherche juste à provoquer ou à s'en prendre bille en tête aux tabous.

Ce spectacle en effet singulier recèle de nombreuses qualités dont le principal est de parvenir à prendre vraiment le spectateur de court, à lui proposer dès l'entrée en salle (hangar situé rive sud après le Pont Victoria, et ce lieu aussi, c'est une première surprise) à la toute dernière scène touchante (une chanson a capella au piano) de l'inattendu. On ne s'attend jamais à ce qu'on voit. Ainsi ils parviennent à innover dans leur propre registre, évoluer en profondeur sur leur propre terrain.

On se demande en entrant ce que font six acrobates en plein déploiement de leurs prouesses circassiennes devant un orchestre lui aussi original, orchestre de chambre mais avec percussions notamment batterie mais aussi sons grinçants. St-Pierre et Poupart en entrant enfin dans l'espace scénique (cercle de terre noire mouillée qui figure... quoi? Un cimetière, un champ de bataille, l'humus, la vie, la mort, la m..., tout ça à la fois, et la vie avant tout) s'en étonnent aussi. Annoncés en petits bonhommes androgynes, ils annoncent jouer à un So you think you can die? et c'est parti!

Les dialogues sont forts et drôles, les scènes de danse ( St-Pierre laisse la part de la danse majoritairement à Poupart, que l'on découvre) vous rentrent dedans, leur duo qui figure une violente altercation physique, un étripage de couple, se fait en lenteur et en suspension et en devient émouvant et poétique. Les éclairages clairs-obscurs très travaillés participent d'ailleurs de cette scénographie léchée. St-Pierre en chevalier ensanglanté, puis en amant fougueux collé nu à un amant au sol, Poupart qui se roule dans une carcasse de boeuf pleine de sang, leurs corps gluants de matières de vie, de mort, sont-ils ceux de foetus naissants ou de cadavres à l'agonie. Les deux encore, toujours, évidemment. Frères humains qui après nous vivez... écrivait le poète, et hors-la-loi, Villon. Un rappel de notre humanité charnelle, émotive et surtout périssable, que What's next réussit. On dira que c'est exhibitionniste et ça l'est bien évidemment, mais pas gratuitement. C'est pas la moindre de ces surprises qu'ils nous réservent.

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What's next, Brigitte Poupart et Dave St-Pierre. Jusqu'au 9 juin, 21h,  Pour le lieu, voir www.fta.qc.ca