Plus d'une décennie après avoir présenté une version de Hamlet Machine avec des marionnettes, Daniel Veronese revient à Montréal avec un spectacle adapté d'Ibsen. Entre ces deux visites, il a troqué les marionnettes contre des acteurs. Reconstruction d'un entretien par courriel.

Il est écrit dans le programme du Festival TransAmériques que El desarrollo de la civilización venidera (Le développement de la civilisation à venir), adaptation de la Maison de poupée d'Ibsen réalisée par le metteur en scène Daniel Veronese, affiche un dépouillement extrême. Du théâtre pauvre, au sens noble du terme bien sûr, concentré sur l'acteur et l'émotion. Puis il est question d'emprunt «à l'esthétique des telenovelas», nom donné aux feuilletons télévisés en Amérique latine. La référence fait tiquer l'homme de théâtre argentin.

«J'utilise tout ce que j'ai sous la main pour créer de la vie sur scène. Le dépouillement m'aide parfois à éviter de distraire de l'émotion nécessaire à chaque situation, écrit-il. Le feuilleton, du moins en Argentine, mise généralement sur l'exagération et le manque de naturel. J'essaie de faire en sorte qu'il n'y ait rien de tout cela dans mon travail.»

Dramaturge, adaptateur et metteur en scène, Daniel Veronese a longtemps piloté une troupe versée dans l'art de la marionnette et le théâtre d'objets, El Periferico del Objetos. Il est d'ailleurs venu à Montréal en 1999 présenter sa vision d'une pièce de Heiner Müller, Hamlet Machine. Son parcours, au fil de la dernière décennie, a toutefois été marqué par un passage de la marionnette à l'acteur en chair et en os.

L'homme de théâtre continue de croire à l'art de la marionnette qui, selon lui, offre «des possibilités fantastiques» lorsqu'on le maîtrise bien. «Mais il est vrai aussi que l'humanité réelle des acteurs me permet de jouer avec les émotions dans cette zone où les objets commencent à s'effondrer et à manquer de possibilités.» Ainsi, c'est avec des acteurs qu'il a choisi de revisiter Une maison de poupée, célèbre pièce d'Ibsen dans laquelle les circonstances amènent une femme, Nora, à s'émanciper d'un mari qui la traite comme une enfant.

Daniel Veronese n'a pas adapté cette seule pièce d'Ibsen. En parallèle, il a aussi monté Hedda Gabler. Ce doublé découle en quelque sorte d'un compromis. «J'avais l'idée de transformer Nora et Hedda en un seul personnage», révèle-t-il. Une parenté existe, en effet, entre ces deux personnages féminins confrontés à une société dominée par les hommes, mais soucieux de se sortir de leur condition.

Pour réaliser cette fusion, le metteur en scène a tenté de juxtaposer les destins de ces femmes, comme s'il s'agissait de la même, mais croquée à deux moments différents de sa vie. «Il ne m'a pas été possible de concrétiser cette idée et de la rendre vraiment organique», regrette-t-il. De ce tout relatif échec a émergé un diptyque qui tourne parfois conjointement. Mais à Montréal, il faudra se contenter de voir ce que l'artiste argentin a fait avec l'histoire de Nora.

El desarrollo de la civilización venidera, du 8 au 10 juin à la Cinquième salle de la PdA.