Par un temps d'été radieux, c'était soir d'ouverture des FrancoFolies, hier. Le festival montréalais célèbre son 30e anniversaire.

Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, des artistes féminines de plusieurs disciplines rendaient hommage à Pauline Julien, qui n'est plus de ce monde depuis 20 ans. Des amies à elle (Louise Latraverse et France Castel), des auteures-compositrices-interprètes (Fanny Bloom, Klô Pelgag) ainsi que des actrices qui aiment la force des mots (Émilie Bibeau, Sophie Cadieux, Isabelle Blais).

« Morte ou vivante, Pauline Julien, je me souviens », ont-elles dit en choeur à la fin du spectacle.

Pauline Julien est morte, mais son esprit est bien vivant. C'est ce qu'on retient de notre soirée d'hier au Théâtre Maisonneuve. Et c'est ce qu'ont souligné sa fille et sa petite-fille en introduction.

« Ton sens de l'indignation nous ferait du bien », a dit sa fille Pascale Galipeau, qui aurait aimé voir sa mère se prononcer pendant le mouvement #metoo et vivre à l'époque où elle aurait pu choisir de ne pas souffrir avant de mourir.

« Ton intensité, nous en avons toujours besoin », a ajouté Marie Bernier - journaliste et pupitreuse à La Presse -, enceinte de l'arrière-petit-enfant de Pauline Julien.

Puis le spectacle a débuté avec la vibrante France Castel qui a interprété Je vous aime, entourée des 13 autres artistes avec qui elle partageait la scène.

Parmi les moments forts de la première moitié du programme, Émilie Bibeau et Sophie Cadieux, qui se dandinent de façon coquine sur La Grenouille.

C'est sur une version électro new wave d'Est-ce ainsi que les hommes vivent? que Sophie Cadieux et Queen Ka ont partagé le micro. La poète et slameuse a aussi brillé de mille feux en récitant le texte de Les gens de mon pays.

Sophie Cadieux et Émilie Bibeau ont aussi brillamment repris des extraits du spectacle Gémeaux croisées, enregistré sur album, que Pauline Julien a fait avec Anne Sylvestre.

Mais le prix de l'interprétation vocale la plus poignante de la soirée va à Fanny Bloom qui s'est approprié avec brio Une sorcière comme les autres. La foule l'a chaudement applaudie, et pour cause.

Tout au long du spectacle, toutes les interprètes restaient sur scène pour accompagner les autres en voix ou en gestes. On retrouvait aussi Virginie Reid au piano, Amélie Mandeville à la basse et Laurie Torres à la batterie.

Dans ces spectacles collectifs où les artistes défilent à tour de rôle au micro, il y a forcément des hauts et des bas. Des projections visuelles de Pauline Julien ou des extraits d'entrevues avec sa voix auraient pu créer des moments forts. Des blocs thématiques auraient aussi pu tisser un fil conducteur.

Or, tout cela incarnait l'esprit libre qu'est Pauline Julien. Et c'est ce qu'admire chez elle l'idéatrice et la metteure en scène du spectacle, Ines Talbi. « Sa persévérance, son cran, sa hargne... Elle était sans peur, elle faisait ce qu'elle voulait », a dit Ines Talbi à La Presse lors des répétitions.

Des mots passionnés

On aurait pu écouter pendant deux heures Émilie Bibeau, Isabelle Blais, Sophie Cadieux et Louise Latraverse lire des lettres de Pauline Julien tirées de La renarde et le mal peigné, le recueil de correspondance amoureuse entre elle et son conjoint, le poète et ministre Gérald Godin, publié en 2009.

« Je t'aime presque tout à fait. »

N'est-ce pas beau?

En clin d'oeil à Leonard Cohen qui a repris La Manic (écrite par Georges Dor et reprise par Pauline Julien), la chanteuse d'origine suédoise installée à Montréal Erika Angell a chanté une magnifique traduction en français du classique Suzanne de Leonard Cohen.

Enfin, le spectacle s'est terminé en grand avec France Castel au micro pour L'âme à la tendresse, suivie d'Isabelle Blais pour Le plus beau voyage et de Klô Pelgag pour Urgence d'amour. Résultat : une ovation spontanée de la part du public.

Bonne nouvelle, le spectacle La Renarde, sur les traces de Pauline Julien sera présenté dans une douzaine de villes du Québec à l'hiver 2019.

Le spectacle est quelque peu décousu, mais souligne surtout à quel point Pauline Julien était une femme libre et moderne.