Le beau temps est revenu spécialement pour le grand spectacle d'ouverture du 37Festival de jazz, hier soir. Quand on s'appelle Sharon Jones, on peut déplacer des montagnes.

Même un cancer du pancréas ne peut freiner la chanteuse soul américaine qui a déjà été gardienne de prison avant de percer en 2002 à l'âge de 46 ans. Une véritable force de la nature, cette femme née en Géorgie.

Mais en début de spectacle, hier soir, Sharon Jones a avoué qu'il était éprouvant pour elle d'être sur scène, mais que le public l'incitait à continuer. Une heure plus tard, au rappel, elle était - comme promis - dans une forme extatique.

Une foule nombreuse occupait la place des Festivals. Sharon Jones était armée de ses fidèles comparses de The Dap-Kings - dont Montréal est l'une des villes préférées du groupe, dixit le guitariste Binky Griptite - ainsi que des deux chanteuses Saundra Williams et Starr Duncan qui forment le duo Saun & Starr. Ces dernières ont ouvert le spectacle avec trois chansons avant de faire place à la star de la soirée. Un bel apéro, mais quelque peu longuet pour les spectateurs qui attendaient Sharon Jones.

On a déjà dit de Sharon Jones qu'elle était la réincarnation au féminin du grand James Brown. Dans sa robe bleue scintillante qui contrastait avec son crâne glabre - conséquence de ses traitements de chimiothérapie -, on souhaitait à Sharon Jones la bonne étoile du parrain du soul quand elle fait son entrée en chantant Strangers to my Happiness.

Surtout que Sharon Jones a confié à la foule qu'elle était en mode «bataille» et qu'elle se sentait «étranglée», mais qu'elle allait se réchauffer.

Deux chansons plus tard, elle dansait avec fougue au son de Long Time, Wrong Time. Elle dansait avec une énergie de survivante, mais sa voix semblait quelque peu étouffée. «Je vais continuer, je vous aime aussi, c'est pour cela que je fais cela», a-t-elle lancé au public.

Plus tard, pendant Natural Born Lover, elle continuait de sautiller sans relâche devant une foule enfin expressive. Sharon Jones a introduit Get Up and Get Out en disant avec ferveur que la chanson avait pris une signification tout autre avec son cancer. À l'hôpital, elle se levait du lit en se disant: lève-toi, et va-t'en, cancer!

Quelle interprétation sentie a suivi.

Sharon Jones est la «mamma» qu'on voudrait avoir. Une mamma de 60 ans forte qui nous raconte une vie sans regret et qui peut danser le belle époque du funk comme si c'était hier.

À la fin de la puissante How Do You Let a Good Man Down ? Sharon Jones s'est amusée comme une gamine avec ses musiciens de Dap-Kings, qu'elle a présentés en improvisant vocalement. Elle était définitivement «réchauffée», comme promis en début de soirée.

Et ce qu'elle était en voix et en émotion avec ballade qui a suivi, Slow Down Love.

Un spectacle en crescendo

En 2013, Sharon Jones avait annulé sa visite prévue au Festival de jazz après avoir eu son diagnostic de cancer.

Le documentaire Miss Sharon Jones, sorti récemment, relate l'attitude de battante qu'elle a su avoir face à la maladie. Depuis sa rechute en septembre 2015, la chanteuse continue de tourner. Dans une entrevue publiée il y a tout juste deux semaines, Sharon Jones confirmait être sous traitement de chimiothérapie.

Pour elle, la scène constitue la meilleure thérapie. Elle l'a prouvé hier soir. Elle n'était pas au sommet de sa forme en début de soirée, mais à la fin, elle était galvanisée sur scène en imitant James Brown. Elle y avait totalement sa place, à faire complètement oublier au public que son corps lutte.

Un immense honneur de l'avoir vu chanter avec flamme 100 Days, 100 Nights.

Les deux autres grands événements extérieurs gratuits du FIJM seront les spectacles du célèbre musicien britannique Jamie Cullum, le 4 juillet, et de West Trainz, le 9 juillet.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Bien qu’elle soit atteinte d’un cancer du pancréas, Sharon Jones a offert un concert plein de fougue.