Le pianiste François Bourassa, 58 ans, est aujourd'hui un musicien et pédagogue des plus respectés... et qui est loin de se reposer sur ses lauriers. Au cours de la saison estivale, le réputé jazzman, qui a raflé nombre de prix, relance son excellent quartette sur la piste canadienne, soit après avoir lancé l'opus Number 9 l'automne dernier, sous étiquette Effendi.

Ainsi, l'ensemble de François Bourassa était à Toronto le 27 juin, à Ottawa le 28, à Edmonton vendredi, à Victoria samedi, à Vancouver dimanche et sera de retour à Montréal ce mardi pour un concert attendu à L'Astral. D'illustres musiciens restent fidèles à ce quartette, toujours l'un des plus innovants du pays : le saxophoniste et flûtiste André Leroux, membre depuis sa fondation, le contrebassiste Guy Boisvert, avec qui le pianiste joue depuis ses débuts professionnels, et le batteur Greg Ritchie, membre originel revenu au bercail il y a trois ans, après avoir vécu une décennie à New York.

Pourquoi donc cet écart de près de neuf mois entre la sortie de Number 9 et ce retour sur scène? Raison familiale : François Bourassa a rejoint femme et enfant à Paris, dans le 9arrondissement, où vivent la chanteuse Jeanne Rochette et leur fils Gaspard - pour des raisons, en fait. L'Hexagone est assurément plus propice à la carrière d'une chanteuse française encline au jazz.

« Ce n'est pas toujours facile, mais c'est l'idée », résume François Bourassa, dont la carrière de musicien et d'enseignant se passe néanmoins à Montréal, d'où la reprise récente de ses activités.

« Depuis l'automne dernier, relate-t-il, j'ai joué à l'Off Festival et j'ai eu quelques engagements au Dièse Onze. J'ai pris un hiver sabbatique de l'UQAM et McGill, où j'étais chargé de cours, je viens d'obtenir un poste à mi-temps en composition à la faculté de musique de l'UdeM. Je viens à peine de rentrer de cet hiver passé à Paris. »

Collaborations

Au cours des dernières années, François Bourassa a multiplié les collaborations avec la percussionniste Marie-Josée Simard, avec le guitariste Tim Brady qui avait écrit une pièce pour deux pianos et guitare électrique, avec la pianiste classique Brigitte Poulin, avec le saxophoniste Rémi Bolduc avec qui il a donné une soixantaine de concerts en hommage à feu Dave Brubeck, aussi avec le saxophoniste Yannick Rieu et avec la pianiste américaine Myra Melford, très portée sur l'improvisation libre.

« En plus de l'enseignement, résume notre interviewé, toutes ces collaborations m'ont exigé beaucoup de temps. J'étais mûr pour un nouvel album. Le quatuor a peu joué pendant cette période, mais j'ai pu profiter du studio du Québec à Paris en 2015, j'ai pu alors composer quelques pièces pour le quatuor, dont j'ai poursuivi la composition jusqu'en 2017. À l'Off en octobre dernier, c'était encore frais... Maintenant, nous avons l'occasion d'élever notre jeu. »

Au coeur de sa tournée canadienne, le quartette retournera en Europe l'automne prochain - Allemagne, Angleterre, France...

Matière principale de cette nouvelle tournée et de cette escale importante à Montréal, Number 9 est une autre pierre à l'édifice de François Bourassa, d'abord reconnu pour ses grandes qualités de compositeur et de leader d'orchestre.

« Je voulais aller plus loin, pousser la démarche entre composition et improvisation, entre abstraction et lyrisme. J'ai essayé d'allier ça, je suis d'ailleurs content d'avoir trouvé de nouvelles formes, des structures parfois imprévisibles, des textures absentes de mes travaux précédents. » 

- François Bourassa

« J'aime ces explosions conceptuelles, poursuit-il, mais aussi les aspects plus lyriques, plus introspectifs de cet album. »

On comprendra que Bourassa n'est pas purement jazz, et c'est d'ailleurs ce qui le distingue des esprits conformistes du style auquel on l'associe d'emblée.

« Je suis très intéressé par les recherches harmoniques et rythmiques de la musique contemporaine, peut-être plus que les harmonies jazz. On entend trop ces dernières dans les standards, je préfère que ma musique n'y soit pas trop associée. L'harmonie jazz conventionnelle est surexploitée, c'est aussi le problème des facultés de musique... et c'est pourquoi je cherche autre chose. Par exemple, j'aime associer l'esthétique d'une Carla Bley à celle d'un Karlheinz Stockhausen. »

Or donc? En quoi la musique de François Bourassa reste-t-elle alors sur le territoire du jazz?

« Elle reste jazz dans l'instrumentation, dans le rythme, dans la spontanéité de l'improvisation et de l'interaction, et donc dans notre possibilité de varier notre proposition d'un soir à l'autre. Bien sûr, l'improvisation provient d'une pensée organisée, et j'aime aussi qu'elle s'exprime au sein d'une structure plus proche de la musique classique ou contemporaine. J'aime que ma musique soit organisée, je veux que reste ce côté aléatoire. »

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À L'Astral, le mardi 3 juillet, 18 h