Avant même que ne se mette en branle cette soirée pas comme les autres, samedi, Rufus Wainwright a donné cet avertissement au public de la salle Wilfrid-Pelletier : si vous n'aimez pas l'opéra, ne partez pas, je vais revenir chanter après l'entracte, et si vous n'aimez pas les chansons pop, vous pourrez partir.

C'était du Rufus pur jus, tout en autodérision, mais il y avait dans ce clin d'oeil un fond de vérité. Même si tout ce qu'on a entendu samedi soir était l'oeuvre du seul et même Rufus, il y avait un monde entre la version concert de son premier opéra Prima Donna, proposée en début de soirée, et le récital symphonique des chansons, bien connues pour la plupart, de cet artiste unique.

Avant l'entracte donc, les sopranos Lyne Fortin et Kathryn Guthrie et le ténor Antonio Figueroa ont chanté les principales arias de Prima Donna, qui raconte le retour d'une diva de l'opéra en quête d'une gloire passée et que sa voix a trahie. Pour qu'on saisisse mieux le propos, Rufus a commandé à l'Italien Francesco Vezzoli un film projeté en fond de scène montrant une diva angoissée entourée de photos de Maria Callas.

Le problème, c'est qu'un opéra est également une oeuvre théâtrale et que ceux que l'on sert en version concert sont habituellement des oeuvres connues. Ce qui n'est évidemment pas le cas de Prima Donna, dont la version abrégée proposée samedi était un substitut à l'oeuvre complète qui ne s'est pas rendue jusqu'à Montréal. Or, Rufus tenait à nous présenter son bébé.

Ce drôle d'ovni n'était pas inintéressant, au contraire. Grâce au talent des trois chanteurs, mais aussi à certains moments comme l'extrait du deuxième acte, Dans ce jardin, chanté par Lyne Fortin et Antonio Figueroa, qui témoignait du talent de mélodiste de Rufus-le-compositeur.

Après l'entracte, Rufus Wainwright a repris à sa manière Les feux d'artifice t'appellent, l'aria qu'avait chantée Lyne Fortin à la toute fin de la version concert de Prima Donna et que Rufus lui-même a enregistrée il y a quelques années. Il l'a fait tout seul en s'accompagnant au piano, et ce fut magnifique.

On l'a dit et redit, Rufus Wainwright a une voix d'exception qui vient toucher la corde sensible chez l'auditeur. C'était encore vrai samedi. Cette voix était toujours à l'avant-plan, quoique parfois desservie par un écho insistant. L'accompagnement orchestral paraissait souvent timide. Bien sûr, des chansons comme Oh What a World, avec son emprunt au Boléro de Ravel, et Little Sister, avec ses cordes mozartiennes, étaient faites sur mesure pour ce concert symphonique, mais ce sont des chansons comme I Don't Know What It Is et la prenante Going To a Town, donnée au rappel, qui se sont démarquées par des arrangements créatifs qui leur procuraient une véritable valeur ajoutée.

VOILÀ MARTHA

Rufus Wainwright a également chanté quelques-unes de ses chansons seul au piano, ce qui n'était pas une mauvaise idée, et il a invité sa soeur Martha à chanter avec lui The Last Rose of Summer de l'opéra Martha, que leur mère adorait. Vibrant.

Au rappel, Martha est revenue chanter avec son frère et ses cousins Lily et Sylvan Lanken Hallelujah de Leonard Cohen avec pour unique accompagnement le piano de Rufus.

Sinon, on a revu samedi le Rufus rafraîchissant et drôle qu'on a toujours connu, celui dont la spontanéité n'est jamais étouffée par un cadre, si formel soit-il.

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Ce concert sera repris dimanche soir à la salle Wilfrid-Pelletier, à 19 h 30.