En interview, le trentenaire parle calmement. Ne semble souffrir d'aucun tic nerveux. Ne regarde pas sa montre. Ne fronce pas les sourcils. N'a pas le profil de l'hyperactif mais... sa feuille de route le laisse croire: le musicien est l'un de nos meilleurs trombonistes de jazz, l'un des compositeurs locaux les plus doués de sa génération, un arrangeur sollicité pour grand orchestre jazz ou pop, un leader respecté de ses pairs, de surcroît un enseignant très occupé.

À l'évidence, Jean-Nicolas Trottier ne manque pas de souffle!

Aujourd'hui au Club Jazz Casino de Montréal, le tromboniste se met à l'épreuve dans le contexte d'un trio sans instrument harmonique. À ses côtés, Rich Irwin à la batterie, Rémi-Jean LeBlanc à la contrebasse. Sans filet? Mets-en.

«Ça ne se produit pas souvent. Je jouais déjà avec Rémi-Jean dans son septuor et avec Rich dans plusieurs autres projets. J'ai convenu avec eux qu'il serait cool de fonder un petit ensemble... puisque je m'implique généralement dans des gros», explique-t-il.

«Cette fois, j'ai eu envie de me mettre à l'avant-plan en tant que joueur, avec des compositions adaptées à ce contexte.»

«Nous avons enregistré un premier album l'an dernier - JNT3/Acid Bunny, étiquette Effendi. Pendant quelques mois, nous avons joué régulièrement au Café Résonance et je sens que ça débloque; on jouera bientôt au Mexique, à l'Off Festival de Jazz l'automne prochain, etc. Je souhaite jouer davantage avec ce trio et enregistrer un deuxième album.»

Natif de Victoriaville

Cette passion pour la musique et le trombone, Jean-Nicolas Trottier l'a d'abord nourrie à l'école secondaire de sa ville natale, Victoriaville. Il faisait alors partie des harmonies de sa région qu'il a dû quitter pour mener ses études collégiales et universitaires à Montréal. Ses parents et ses deux soeurs y vivent toujours. Lui a connu un parcours totalement différent.

«À la base, explique-t-il, je suis un musicien de jazz. J'en aime la tradition, j'en admire les trombonistes importants: Jay Jay Johnson, Slide Hampton, Steve Davis, Frank Rosolino, mais aussi Albert Mangelsdorf et autres Ray Anderson. Du côté des plus jeunes au-delà du jazz, Nils Wogram m'impressionne, super tromboniste! J'aime mon instrument, on peut encore en découvrir de nouvelles possibilités. »

Connu pour son écriture

Quant à sa passion pour la composition, l'arrangement et l'orchestration, elle s'est révélée à l'aube de l'âge adulte.

«Même avant l'université, soit lorsque j'étais inscrit au cégep Marie-Victorin, j'écrivais déjà beaucoup. Puis, mon projet de big band s'est précisé au premier cycle universitaire, il a vraiment pris forme il y a une dizaine d'années. Pour les arrangements et l'orchestration, j'ai d'abord été formé à l'Université McGill par Joe Sullivan, après quoi j'ai parfait moi-même mes connaissances. J'ai appris sur le tas, hors des milieux académiques. J'aime avant tout la musique instrumentale. En plus du jazz, j'écoute énormément de musique classique ou contemporaine. Quand j'écris? J'oublie tout ça. Je pars de rien et les idées viennent.»

Ces dernières années, c'est surtout l'écriture qui l'a fait connaître. D'abord à la tête d'un big band, il a ensuite travaillé en collaboration avec d'autres grands ensembles où sa musique a été jouée - notamment par l'Orchestre national de jazz de Montréal. De fil en aiguille, ses qualités d'arrangeur ont été connues hors de la scène jazzistique.

Mélanger pop et orchestre symphonique

«Pour la pop, raconte-t-il, c'est arrivé assez récemment. J'ai réalisé plusieurs projets avec orchestre symphonique, notamment pour Louis-Jean Cormier (dont j'ai aussi fait les arrangements des instruments à vent pour son album Les grandes artères), Catherine Major, Laurence Jalbert, Champion, etc. C'est beaucoup de travail pour une représentation ou à peine plus!»

Pour le musicien, le jeu demeure néanmoins crucial. Ainsi, on peut entendre Jean-Nicolas Trottier au sein de plusieurs grands orchestres de jazz, notamment chez le Christine Jensen Jazz Orchestra avec qui il fait la tournée des festivals canadiens cet été.

«J'aimerais relancer mon big band, mais ça prend beaucoup d'énergie et ça ne rapporte à peu près rien. Le jazz, ce n'est pas facile... Lorsque les concerts sont subventionnés, les musiciens sont rémunérés décemment, sinon ça dépend...»

«C'est pourquoi une bonne partie de mes revenus vient de l'enseignement: arrangement, composition, trombone, ensembles universitaires, etc. Je suis chargé de cours à McGill, à l'Université de Montréal, au Conservatoire de musique, au cégep Saint-Laurent.»

Et pourquoi n'être pas parti dans une plus grande ville de jazz?

«Assez rapidement dans la vie, répond-il, j'ai eu une famille. Je suis marié depuis l'âge de 23 ans, nous avons une fille de 9 ans. Ça va super bien! Faire ce qu'on veut et avoir de belles choses à réaliser, ça met de bonne humeur. Ça donne de l'énergie.»

Et du souffle, il va sans dire...

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Le trio de Jean-Nicolas Trottier se produit à 17 h, Club Jazz Casino de Montréal, place SNC-Lavalin.