Quand son avion s'est posé à Montréal, vendredi soir, Diana Krall a eu l'impression d'être de retour à la maison. La célèbre chanteuse et pianiste canadienne vit à New York avec son mari Elvis Costello et leurs jumeaux de 7 ans, et elle peut toujours se réfugier dans son chalet en Colombie-Britannique quand elle veut se détendre, mais chaque fois qu'elle revient à Montréal, elle a une pensée pour le Festival de jazz, qui lui a donné sa première chance.

Ce festival qui est chargé de plus de signification que tout autre pour elle, celui où elle a chanté avec Tony Bennett et rencontré son idole d'adolescence, Oscar Peterson. Celui, aussi, dont elle a fréquenté à peu près toutes les salles de spectacles, du Centre Bell au Cabaret du Musée Juste pour rire, où ses spectacles consacrés à Nat King Cole lui ont ouvert des portes sur une carrière insoupçonnée. Son album de l'époque, All For You, est encore à ce jour celui qu'elle préfère. «J'étais pas mal bonne dans ce temps-là», dit-elle en souriant.

Malgré le décalage horaire et le désir de retrouver bientôt sa petite famille, c'est une Diana Krall rayonnante et relaxe qui a rencontré la presse hier après-midi pour causer du Grand Événement dont elle sera la vedette sur la place des Festivals ce soir. Ce spectacle qui commencera une fois le soleil couché constitue un beau défi pour une artiste de jazz dont la musique n'incite pas nécessairement à la danse.

«Quand il fait noir, mon imagination s'en trouve stimulée et ça me permet de ne pas complètement céder à la panique», dit-elle dans une boutade. Il y a dans ce spectacle de la tournée Glad Rag Doll des projections de vieux films qui ajoutent à son dynamisme.

Diana Krall précise que son spectacle est plus théâtral que la mouture qu'on a vue à Montréal il y a un an et demi et elle vante son groupe de musiciens polyvalents avec qui elle a beaucoup de plaisir. «Je ne veux pas jouer de longs solos parce que je ne suis pas la meilleure pianiste au monde, ajoute-t-elle. Je n'ai pas autant à dire que Benny Green ou Brad Mehldau. Mais je suis très à l'aise avec eux et je peux jouer aussi bien une chanson de Nat Cole qu'une autre de The Band ou une chanson des années 20, tout en racontant des histoires et en parlant de ma famille.»

ELVIS SERA DE LA PARTIE

La dame confirme qu'elle aura un invité de marque qu'elle n'a pas vu depuis trop longtemps : son musicien de mari Elvis Costello, qui s'amènera de la Maison symphonique sitôt son concert solo terminé. Il y aura aussi à ses côtés le guitariste Marc Ribot, qui était de son disque Glad Rag Doll, mais qui n'a pas participé à la tournée subséquente.

«C'est l'un des musiciens les plus créatifs que je connaisse. Il est audacieux et, surtout, pas unidimensionnel. Je l'admire depuis que je l'ai entendu pour la première fois avec Tom Waits», dit-elle de Ribot, qui joue même de la guitare avec ses clés de voiture dans la chanson Lonely Avenue dudit album.

Diana Krall a vécu une expérience exaltante récemment quand elle a participé à la tournée de Neil Young. Elle croyait jouer une vingtaine de minutes seule au piano en début de programme, mais Young a insisté pour qu'elle joue pendant une heure. Elle a donc chanté du Dylan, du Gordon Lightfoot, deux auteurs-compositeurs dont elle reprendra des chansons sur son prochain album, à paraître le 9 septembre.

C'est pour elle un défi considérable que de faire un disque enregistré avec des musiciens classiques, un album pas jazz du tout et dans lequel elle ne touchera pas au piano, qui sera joué par David Foster, réalisateur et orchestrateur de l'album.

«J'y reprends Wallflower de Dylan, que j'ai chantée en spectacle au cours de la dernière année, ainsi qu'une chanson inédite de Paul McCartney. On l'avait répétée pour son album Kisses on the Bottom, mais elle ne s'est pas retrouvée sur le disque et je lui ai demandé si je pouvais l'enregistrer. Il y aura également un emprunt aux Eagles et la chanson Operator de Jim Croce, sur laquelle chante Graham Nash.»

Ce disque différent s'inscrit tout naturellement dans le parcours de cette artiste «pas très cérébrale» qui aime toucher à tout et donner à son public l'impression qu'elle joue pour lui comme elle ferait à la maison pour des amis.

«J'essaie de ne pas répondre aux attentes d'un certain genre musical, dit-elle. Je joue simplement de la musique. Le Festival de jazz de Montréal a toujours accueilli différents styles de musique et je me sens libre de le faire ici.»

Diana Krall, scène TD de la place des Festivals, ce soir à 21 h 30.