La planète jazz compte désormais plusieurs musiciens israéliens de haut niveau. Parmi ces virtuoses émergents, le pianiste Shai Maestro ne donne pas sa place.

Établi à New York depuis 2009, le musicien de 27 ans y mène une carrière de plus en plus remarquée, et pour cause. Souplesse hors du commun, virtuosité au confluent du jazz et de la musique classique, légères inflexions orientales, liberté d'esprit.

Ce dont le jazz a toujours besoin!

Adolescent en Israël, il avait déjà été repéré par de grandes écoles américaines, mais l'école de la vie l'a finalement emporté.

Shai Maestro raconte: «J'avais obtenu une bourse pour aller étudier au Berklee College of Music de Boston, mais je n'y suis finalement pas allé. Un peu plus tard, soit en 2009, je me suis rendu à New York grâce à mon passeport américain - ma mère est originaire de Seattle, mais j'ai grandi dans une petite localité entre Tel-Aviv et Jérusalem.»

On lui fait observer que plusieurs jazzmen et jazzwomen d'Israël se trouvent à New York et Paris - on pense à la clarinettiste Anat Cohen, au trompettiste Avishai Cohen, au contrebassiste Omer Avital, aux pianistes Yaron Herman et Eden Ladin, pour ne nommer que ceux-là.

Shai Maestro explique cette profusion: «Les infra- structures pour le jazz sont très solides en Israël: excellentes écoles, clubs, théâtres, possibilité de jouer régulièrement. Pour chaque instrument il y a un modèle à suivre. Par ailleurs, cette musique correspond bien à la mentalité israélienne. De manière générale, les gens ne passent pas par quatre chemins pour exprimer leur opinion. Et puisque le jazz ne tolère pas les masques, il te donne la chance d'être toi-même.»

Shai Maestro ne trouve pas les mots pour dégager un angle particulier de ses influences.

«Vous savez, j'aime ce qu'aiment tous les pianistes éduqués: Arthur Rubinstein, Vladimir Horowitz, Glenn Gould, Bud Powell, Art Tatum, Herbie Hancock, Chick Corea, Keith Jarrett...»

Pourtant... Il se dégage parfois quelque chose de très particulier de son jeu. Peut-être parce que le musicien est en quête constante de ce qu'il a d'unique.

«Ce que je trouve le plus gratifiant, c'est de trouver ce moment où je suis parfaitement en phase avec moi-même. Je suis alors le seul à pouvoir offrir cette musique. Le piano n'est que l'instrument qui me permet d'atteindre cette expression; il est entre la musique et moi.

«La musique est un miroir cruel. Elle te révèle lorsque tu dis la vérité et lorsque tu ne la dis pas, lorsque tu es profondément honnête et lorsque tu caches quelque chose.»

Base commune

Formé de Jorge Roeder, contrebasse, et de Ziv Ravitz, batterie, le trio de Shai Maestro souscrit évidemment à cette vision.

«Nous nous sommes connus musicalement dans une session à Brooklyn. Forte résonance commune! Nous avons tous senti que nous étions ensemble une version améliorée de nous-mêmes. Notre musique a beaucoup changé depuis nos débuts; l'improvisation n'a cessé de s'améliorer, la prise de risque et l'exploration sont devenues pratique courante. Monter sur scène est chaque fois une aventure commune, jamais un travail. Cette relation nous pose des défis communs et nous donne un formidable sentiment de bien-être.»

> À L'Astral samedi soir, 21h.