À l'instar de ses superbes interventions en tant que soliste, les accompagnements pianistiques de Jason Moran siéent parfaitement au bagage, à l'expérience, à la profondeur de Charles Lloyd. En témoigne le très bel album en tandem, Hagar's Song, paru récemment chez ECM, et dont c'était la matière principale ce dimanche au Théâtre Jean-Duceppe.

Plusieurs années de complicité entre ces deux musiciens ont permis d'imprévisibles intersections, promenades libres et contemporaines, mélodies suaves où l'air s'échappait bellement de la flûte traversière ou du saxophone ténor sans que les lignes perdent de leur intelligibilité. Ces trajectoires mélodiques pouvaient être entrecoupées de stride ou de progressions harmoniques typiques de Broadway. C'est dire la connexion de ces musiciens avec l'histoire du jazz.

Pourtant, le sentiment que cette musique est créée en 2013 persiste;  les compléments atonaux, complètement free par moments, en confirment l'actualité. L'arrivée du guitariste Bill Frisell en milieu de prestation n'aura certes pas gâché la sauce. Tant dans les ambiances éthérées que dans blues, le troisième homme a su faire les choses  délicatement avec ses collègues.

I Sall Be Released, de Bob Dylan et jadis interprétée par The Band et jazzifiée en hommage à feu Levon Helm, coiffera le premier volet de la Série Invitation avec pour invité le Prix Miles-Davis 2013 en personne, très ému en fin de parcours. Série intéressante, somme toute, série où la spontanéité aura été souvent préférée à la rigueur. Mémorable? Pas tout à fait.