Dans son premier spectacle solo, alors qu'il était déjà une vedette considérable grâce à Notre-Dame de Paris, Garou se faisait plaisir en se payant un medley rhythm and blues. Il faisait ainsi d'une pierre deux coups: raviver le souvenir de la glorieuse époque où il chantait dans les bars de Sherbrooke avec les Untouchables et ajouter à son répertoire plutôt mince quelques chansons connues de tous.

Le Garou d'aujourd'hui se fait encore plaisir - ou se cherche toujours, diront ses détracteurs. Son dernier album s'intitule Rhythm and Blues et comprend des reprises qui de prime abord ont peu de choses en commun: des chansons de Bécaud et Joe Dassin (une version d'Ode To Billy Joe de Bobbie Gentry), d'Otis Redding et Screamin' Jay Hawkins ainsi que de Daniel Lavoie et des Black Keys.

Son show au Métropolis a démarré sur une note très rock, avec Le jour se lève, plus musclée encore que sur son dernier disque. D'autres chansons de son répertoire (Je suis le même, Je l'aime encore) ont eu droit au même traitement assez convaincant. Comme il a récupéré ses musiciens du spectacle Viva Elvis du Cirque du Soleil, il nous a servi un medley du King au cours duquel il s'est permis une excursion parmi les spectateurs du parterre le temps de Suspicious Minds.

Puis le ton a changé du tout au tout. La pianiste Julie Lamontagne s'est amenée et Garou est devenu un crooner jazzy chantant aussi bien Harry Connick Jr. que Leon Russell ou Tony Bennett - I Left My Heart in San Francisco, en duo avec Mario Pelchat. Le défilé des invités s'est poursuivi avec Valérie Carpentier, Nadja et Marie-Mai mordant toutes les trois avec un plaisir évident et un talent indéniable dans des standards: Cry Me a River, It Don't Mean a Thing (If It Ain't Got That Swing) et The Lady Is a Tramp.  

Quel Garou allait-on retrouver après l'entracte? Le crooner jazzy qui enchaîne avec ses musiciens des classiques empruntés au répertoire français, de C'est si bon à My Way, puis le rockeur qui revisite son premier succès Seul en citant Pinball Wizard des Who et l'homme à tout faire qui fait un clin d'oeil à Stevie Wonder et James Brown avant de s'approprier à la manière rock Little Green bag du groupe néerlandais George Baker Selection. Quand nous avons dû quitter, le public acclamait Garou et son «grand frère» Daniel Lavoie chantant ensemble Belle et Je voudrais voir New York.

Garou gaspille-t-il son talent, qui est bien réel? Ou ne serait-il pas depuis toujours un entertainer à l'américaine capable d'à peu près tout - il l'a encore prouvé hier - mais dont on ne discerne pas la personnalité propre entre une imitation d'Elvis, des interprétations qui manquent parfois de sobriété et les lieux communs qu'il débite parfois entre les chansons?

Après toutes ces années, la question demeure entière.