Il faut travailler pas mal plus fort qu'autrefois, mais... il y a encore moyen faire des découvertes jazzistiques au FIJM lorsqu'on s'en donne vraiment la peine. La soirée dominicale, en tout cas, comptait au moins deux prises de choix: Get The Blessing et Kneebody.

Les enregistrements du quartette anglais laissaient prévoir une soirée intéressante au Gesù. Vu le lien de parenté entre le bassiste Jim Barr et la célébrissime formation trip hop Portishead (dont il est aussi le bassiste), il était facile de deviner l'intérêt que porterait une portion congrue de non jazzophiles à Get the Blessing.

Pouvoir attractif comparable à celui de Colin Stetson, vendredi soir au même Gesù - tapissés de micro-contacts, son corps et son saxophone ont fait boum dans les oreilles des hipsters qui y découvraient la respiration circulaire et des effets texturaux inédits, après l'avoir entendu dans moult contextes indies - avec plusieurs musiciens montréalais, plus récemment aux côtés de Bon Iver.

Côté Get The Blessing, rien de fabuleux côté performance individuelle. Rien de super compliqué côté écriture. Le goût et l'imagination l'emportent largement sur les habiletés techniques et les compositions qui en découlent. Dimanche soir, nous avions devant nous de bons musiciens de jazz qui ne pourraient déborder leur cadre local sans un discours personnel comme celui suggéré: contrepoint spontané des instruments, textures originales de la trompette (Pete Judge) et du saxophone (Jake  McMurchie) parce que ces instruments étaient souvent connectés à moult pédales d'effets dont les interprètes faisaient très bon usage, rythmes assez costauds (Dylan Howe), puissance collective, cohésion, attitude rock dans un contexte et une instrumentation résolument jazzistiques.

Voilà donc une proposition assez séduisante pour faire migrer des non jazzophiles vers le jazz, provisoirement du moins.

Quant à Kneebody, qui se produisait à 22h sur la scène Radio-Canada, il faut être un tantinet plus ferré pour tripper dès les premières mesures. Encore là, les non jazzophiles curieux pouvaient y trouver leur compte. Excellents musiciens, parmi ces jeunes sorciers en voie de renouveler ce jazz-fusion que tant de mélomanes croient agonisant et sans intérêt aucun depuis des lustres. Qu'ils se réjouissent, des pousses bien vertes ont été repérées dans les gravats.

Kneebody compte sur un personnel éparpillé entre Los Angeles et New York, majoritairement originaire de Californie: Adam Benjamin, Fender Rhodes et claviers, Wendel Benjamin, saxophones, Nate Wood, basse (et aussi batteur du pianiste Tigran Hamasyan), Shane Endsley, trompette, Mark Guiliana, batterie (autre sideman de Tigran à ses heures).

Alors? La fluidité de l'exécution malgré les défis qu'elle pose, la densité du discours, l'exigence des performances individuelles, le contrepoint très intéressant du saxophone et de la trompette (mélodies écrites ou improvisées), l'approche polyrythmique, l'attitude rock. En bref, nous avons ici bien assez de matière à se mettre en les oreilles pour que l'expérience se poursuive, à tout le moins jusqu'au prochain rendez-vous.