Les jeunes roms de la troupe GRUBB - Gypsy Roma Urban Balkan Beats - en ont fait du chemin depuis un an. Leur cheminement ne se compte pas en kilomètres parcourus, mais en confiance gagnée. En voulant changer le monde, c'est eux-mêmes qu'ils changent.

Coin Sainte-Catherine et de Bleury, ils sont deux ou trois dizaines d'ados agglutinés autour de Serge Denoncourt. Même si l'école est finie, en les apercevant, on pense d'abord à un groupe d'élève en sortie éducative. Ce n'est pas faux. Sauf que dans un spectacle de GRUBB, il n'y a pas que des élèves sur scène, mais aussi dans la salle.

GRUBB, rappelons-le, est pilotée par RPOINT, une organisation non gouvernementale basée en Serbie, et vise la scolarisation des enfants et des adolescents roms. La raison d'être de la comédie musicale dirigée par Serge Denoncourt est d'ailleurs d'amasser des fonds pour financer un réseau d'école de soutien scolaire et d'ateliers de danse, de chant ou de musique dispensés à des enfants qui prennent l'engagement d'aller à l'école.

Or, le contenu du spectacle que les jeunes roms portent avec autant d'enthousiasme, il vise d'abord à sensibiliser le public sur la situation difficile - racisme, exclusion, pauvreté - des Roms. En Serbie, bien sûr, mais aussi dans bien d'autres pays d'Europe, de la France aux abords de la mer Noire. D'où la fierté de l'entourage de la jeune Nadira, l'un des rares nouveaux visages du spectacle. «Ils savent qu'on représente les Roms et ils aiment ça», dit-elle.

L'an dernier, les adolescents avaient débarqué à Montréal en craignant de se faire insulter dans la rue. La bande croisée hier affichait confiance et décontraction. Contents d'être de retour? Les larges sourires ne demandaient aucune traduction. Passé une bonne année? «On a travaillé fort», assure Daco, en anglais. En plus de continuer à répéter le spectacle qu'on reverra à compter de demain au TNM, les plus vieux, dont il fait partie, ont accueilli de nombreux nouveaux jeunes à B.I.G.Z., quartier général de RPOINT à Belgrade.

Eki est l'un de ces petits nouveaux. L'un des plus chanceux, aussi, puisqu'il se retrouve en Amérique moins d'un an après avoir intégré le programme. Le frêle garçon de 15 ans a beaucoup impressionné Serge Denoncourt: il avait appris l'essentiel des chansons et des chorégraphies avant même de mettre les pieds à B.I.G.Z. Il a fait ça tout seul, à partir de clips dénichés sur l'internet. «Ça comptait beaucoup pour moi de faire partie du groupe, de voyager avec eux, de faire ce qu'ils faisaient et d'apprendre en leur compagnie», dit-il.

Des nouveaux par dizaines

Ils sont des dizaines comme Eki et Nadira, des centaines peut-être, à avoir été attirés vers les programmes de RPOINT dans la foulée du succès remporté l'an dernier à Montréal. Le mot s'est passé dans les communautés roms à Novi Sad, à Nis et surtout à Belgrade, capitale de la Serbie. Caroline Roboh, cofondatrice de l'ONG, se montre ravie de ce rayonnement.

«On a beaucoup de filles, précise-t-elle. Les filles sont même majoritaires dans certains ateliers.» En arts plastiques, par exemple; elles sont aussi très nombreuses en photographie. «On fait de plus en plus de soutien scolaire, on veut qu'ils aillent à l'école, ajoute Caroline Roboh. Ceux qui viennent pour être des vedettes, ils s'aperçoivent vite que ce n'est pas l'idée.»

GRUBB change le monde à sa façon, affirment tous les jeunes rencontrés hier. De Montréal, il est difficile de prendre la mesure de ce qui se passe vraiment sur le terrain à Belgrade et ailleurs en Serbie. Le changement le plus net ne saute toutefois pas aux yeux, mais il est très manifeste: Asmet se débrouille maintenant en anglais, Kristian a appris à manipuler l'outillage d'un studio d'enregistrement, Daco et plusieurs autres garçons continuent d'écrire.

Chez les filles, Ljuma et Emina ont gagné en liberté et en assurance. «Avant, on passait nos journées à la maison, on nettoyait, dit Emina. Maintenant, je vais au secondaire.» Elles écrivent des chansons, elles aussi, et ne rêvent désormais plus seulement d'être boulangères, mais aussi policières ou enseignantes de maternelle. Un rêve qui, on le devine, ne leur paraît plus inaccessible.

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GRUBB, jeudi, vendredi, samedi, ainsi que les 2 et 3 juillet, 20h, au TNM.