Un des plus beaux albums de jazz parus en 2009 est ce Dark Eyes du trompettiste polonais Tomasz Stanko - étiquette ECM. Profond, raffiné, très sensible et ce je ne sais quoi d'européen qui me rend cette musique d'autant plus attirante. Samedi au Gesù, nous en avions (grosso modo) la résultante sur scène.

J'adore les couleurs de cette trompette. S'en échappe un peu d'air à travers un timbre riche, charnu, ce qui lui confère son unicité. L'articulation est peut-être légèrement imparfaite en très haute vitesse, ce n'est en aucun cas un irritant en ce qui me concerne. La grande musicalité de Tomasz Stanko l'emporte largement sur ces considérations. Ses recherches mélodiques, ses sorties discrètes vers les territoires d'avant-garde, son sens dramatique, son goût et la sagesse de son approche me semblent à la hauteur de sa réputation.

En interview, le vétéran de 67 ans (très bientôt 68) s'estimait très satisfait de son nouvel ensemble scandinave - le pianiste (Aleksi Tuomarila) et le batteur (Olavi Louhivuori), tous deux d'Helsinki, le contrebassiste (Anders Christensen) et le guitariste (Jakob Bro) de Copenhague.

Aucun de ces musiciens, en fait, ne peut prétendre faire partie de l'élite internationale du jazz. Dans l'approche, ils se montrent différents des membres du quartette polonais que Stanko a dirigé pendant une décennie, avec notamment le pianiste Marcin Wasilevksky. Faut-il vraiment comparer ?

Nenni. Ces Scandinaves nouvellement embauchés ne sont certes pas des superpointures, ils s'avèrent néanmoins de très bons musiciens au service d'une sonorité d'ensemble qui transcende leurs performances individuelles. Au service d'un jazz de chambre subtil et incarné.

Visiblement, la direction artistique de ce trompettiste légendaire qu'est Tomasz Stanko est excellente. De haute tenue. Visiblement, le jazz n'est pas qu'une affaire de facultés techniques.