Pour ce pianiste associé au jazz comme au nuevo flamenco, la démarche d'hybridation n'a rien de désincarné. L'an dernier, Chano Dominguez s'était produit avec l'ensemble de Wynton Marsalis. Cette fois, la formation du pianiste espagnol est un plat de résistance pour la série El duende flamenco, présentée au 31e FIJM.

«Je viens d'Andalousie, le bassin du flamenco. J'ai grandi avec cette musique, elle fait partie de moi. Le jazz et le flamenco sont deux esthétiques qui peuvent fort bien s'amalgamer. Leurs couleurs modales se mélangent sans qu'on ne force la note. Bien sûr, le flamenco demeure unique, une forme à part entière, mais le jazz peut en améliorer le langage en lui conférant davantage de profondeur harmonique.»

 

Pour Chano Dominguez, en fait, tout est dans la manière. «Je peux, par exemple, choisir une progression inspirée du blues et la jouer sur un rythme buleria, pour ainsi illustrer la dualité de ces deux styles musicaux.» Lui faut-il alors trouver l'équilibre entre les deux formes?

«Je ne cherche pas l'équilibre, je ne cherche qu'à combiner mes deux passions musicales. Je préfère brouiller les pistes, c'est-à-dire sans qu'on sache où commence le jazz et où se termine le flamenco. Je ne cherche pas non plus à créer un nouveau style», tranche le pianiste.

«Journalistes et experts collent souvent des étiquettes à mon travail alors que pour moi, c'est l'expérience de cette fusion qui compte; le flamenco avec le jazz mais aussi avec la musique classique et le rock. Lorsque je me produis sur scène, en fait, il m'importe d'abord que le public puisse sentir cette passion à travers ce que j'ai à exprimer.»

À l'écoute de Chano Dominguez, on réalise que le flamenco est loin d'avoir terminé son parcours. Même s'il s'agit d'une expression séculaire, le simple fait de sortir cette musique de son cadre traditionnel la catapulte illico parmi les expressions actuelles.

«La forme peut encore évoluer considérablement, fait valoir le musicien. Elle flirte avec plusieurs types de musique qu'elle enrichit. Par la même occasion, ces dernières l'enrichissent. Je vois d'un très bon oeil que le flamenco soit devenu universel, un mouvement important.»

Au Théâtre du Nouveau Monde, Chano Dominguez se produira en quintette: contrebasse, palmas (fameux battements des mains), piano, danse, percussion, chant.

«Cela s'inspire de mes deux albums à paraître bientôt. L'un d'eux évoque une vision très libre de grands pianistes et compositeurs espagnols tels Enrique Granados, Isaac Albéniz, Manuel de Falla ou Frederic Monpou. La deuxième partie du concert sera consacrée à une réinterprétation de l'album Kind of Blue de Miles Davis, un projet que j'ai enregistré en décembre dernier au Jazz Standard de New York, après que le festival de jazz de Barcelone m'en eut fait la commande. Ces albums seront bientôt lancés sur Blue Note.»

L'ensemble du pianiste Chano Dominguez se produit au Théâtre du Nouveau Monde, demain et lundi à 20h.