Universellement respectée, l'expression El duende flamenco implique chant, performance instrumentale et danse. On la nourrit depuis des siècles dans la mythique Andalousie. Au fil du temps, gitans et autres fervents pratiquants ont adapté le flamenco à chacune de leurs époques. La nôtre n'y fait pas exception. Puisque le flamenco voyage désormais partout sur Terre, il se nourrit d'autres musiques. Dorantes, Chano Dominguez, Juan Carmona et Diego El Cigala s'affirment parmi les merveilleux protagonistes de cette mouvance flamenca.

Tignasse couleur ébène, luisante, ondulée. Barbichette de desperado. Énormes bagues aux doigts, chaîne au cou, breloques de mauvais garçon. Regard perçant. Redoutable! Diego El Cigala a la gueule de l'emploi, c'est le moins qu'on puisse dire. Et que dire de cette voix graveleuse, ces réponses brèves émergeant du combiné.

«Depuis toujours, je viens de la culture flamenca. De quelle façon la vie moderne façonne-t-elle mon art? Je ne sais pas vraiment... Je travaille beaucoup avec le tango moderne et le tango classique de Buenos Aires, un projet impliquant un assaisonnement flamenco. Je ne fais que fusionner ce que je découvre avec ce que j'aime.»

Issu d'une famille de gitans, indique la biographie de sa page MySpace, Diego Ramón Jiménez Salazar est né à Madrid en 1968. Dès l'enfance, il était promis à une carrière de cantaor. À l'âge de 12 ans, il a gagné le premier prix d'un concours important (Getafe) et s'est imposé dans une compétition télévisée (Gente jóven). Rapidement, il fut sollicité par des musiciens et danseurs de renom. Il fut d'ailleurs baptisé Dieguito El Cigala par Camaron, un des plus grands chanteurs de flamenco de notre ère, aujourd'hui décédé.

En 1994, il a amorcé sa carrière solo avec l'album Undebel, mettant en relief les guitaristes virtuoses Antón Jiménez, David Amaya, Paquete ou Tomatito. Au début de la précédente décennie, il s'est frotté à la musique cubaine en travaillant avec le pianiste cubain Bebo Valdés (père du fameux jazzman Chucho Valdés, expatrié depuis les débuts de la révolution castriste) et le trompettiste Jerry González pour l'album Corren tiempos de alegría, ce qui lui valut un Latin Grammy Award. En 2002, l'album Lágrimas negras a réuni de nouveau El Cigala et Bebo Valdés, la renommée internationale était acquise. Depuis 2004, son succès rejaillit dans tout l'espace hispanophone comme dans le reste du monde.

Paradoxalement, ses albums les plus populaires ne misent pas sur le flamenco puro. Qu'en pense le principal intéressé?

«Pour moi, le métissage est instinctif, rien n'est planifié. Avec le tango, un genre que j'explore depuis une période plus récente, ça m'est venu instinctivement. J'ai réalisé que le tango et le flamenco ont des essences comparables. De vieilles âmes, un même type de culture. Je me suis tout de suite senti à l'aise dans ce cadre.»

Bien qu'il prête volontiers sa voix aux mélanges interculturels, Diego El Cigala dit rester bien ancré dans le flamenco.

«J'essaie de conserver une certaine pureté. Je suis clairement dans la tradition flamenca. Je m'inscris dans la lignée de mes maîtres, chanteurs et musiciens - Camaron, Rafael Farina, Manolo Caracol, Paco de Lucia, etc. Ces artistes ont atteint la perfection que je cherche à atteindre.»

Mise à part le tango et la musique cubaine, quels sont les autres projets de Diego El Cigala?

«Je sors bientôt un album flamenco avec le guitariste Tomatito, je compte aussi travailler avec un orchestre symphonique. À Montréal? Je présenterai du flamenco traditionnel, des éléments de mon projet actuel et des extraits de mes anciens albums comme Lagrimas negras. L'instrumentation comptera guitare, contrebasse, piano et percussions.»

Diego El Cigala se produit les 29 et 30 juin, à 20h, au Théâtre du Nouveau Monde.