Jusqu'au dimanche 11 novembre, le 19e Festival du monde arabe de Montréal se déploie sous le thème «Chants de mutants, aux rives de Gibraltar». Le FMA évoque ainsi les nombreuses mutations en cours dans le monde arabe et dans les cultures qui y sont liées historiquement, bon gré mal gré.

Voilà autant d'identités complexes érigées en Afrique du Nord, au Moyen-Orient ainsi que dans les capitales occidentales où une portion non négligeable du monde arabe vit en diaspora. Voici nos choix musicaux parmi cette cinquantaine de créations, spectacles, concerts, projections audiovisuelles, conférences et tables rondes.

Maroc, Québec

Chants de mutants, le gnawa en visite, Cinquième Salle de la PdA, mercredi 31 octobre, 20 h

À l'Astral en 2016, l'expérience fut concluante: le Trio Nomad's Land porte le thème Chants de mutants, cette fois en visitant le gnawa, forme métisse toujours vivante au Maroc. Voilà une des rencontres déterminantes entre les peuples africains ayant généré des métissages séculaires. L'hybridation se poursuit hors de l'Afrique du Nord, de nombreux musiciens d'Amérique du Nord et d'Europe s'y sont penchés, on pense d'abord au rockeur Brian Jones des Rolling Stones ou au jazzman new-yorkais Randy Weston. Depuis la fin des années 60, la culture gnaouie soulève l'intérêt des musiciens ouverts sur l'Afrique et l'Orient, c'est le cas de musiciens montréalais dans le cas qui nous occupe: le flûtiste Guy Pelletier, le chanteur et guembriste Saïd Mesnaoui, le percussionniste Bertil Schulrabe, double ses effectifs à l'occasion du FMA en invitant l'oudiste Nazih Borish, le contrebassiste Fraser Hollins, la chanteuse Karen Young. Compositions originales, adaptations, reprises et mises en musique de poèmes sont au menu de ce spectacle aux influences aussi variées que maîtrisées!

Liban, Canada

Joyce El-Khoury, chant lyrique au FMA, salle Pollack de l'Université McGill, 1er novembre, 19h30

En partenariat avec l'Opéra de Montréal, le FMA présente la soprano Joyce El-Khoury, livrant un répertoire inédit mêlant chant lyrique et musique du Moyen-Orient. Née à Beyrouth et installée à Ottawa à l'âge de 6 ans, Joyce El-Khoury a été formée au Canada (Université d'Ottawa) et aux États-Unis (AVA de Philadelphie et programme de développement des jeunes artistes Lindemann du Metropolitan Opera de New York). En marche depuis le début de la précédente décennie, sa carrière s'est d'abord développée en Amérique du Nord et connaît un essor récent en Europe. Accompagnée par le pianiste Laurent Philippe, cette très douée soprano compte faire rayonner l'art lyrique de tradition européenne et ses évocations du Levant. Ravel, Fauré, Bizet, Saint-Saëns et Berlioz figurent au programme de la chanteuse canado-libanaise, mais aussi le compositeur arabe contemporain Béchara El Khoury... et autres mélodies du répertoire oriental.

Iran, Québec, France

Kurdes en cordes, Cinquième Salle de la Place des Arts, 2 novembre, 20h

L'Ensemble Kamaan et Éléonore Fourniau nous plongent dans le Kurdistan musical, qu'il soit classique, contemporain, folklorique ou populaire. Les musiques iraniennes de toutes époques et toutes souches (perse, azerbaïdjanaise, kurde, baluchi, khorasani, turkaman) constituent le coeur de son répertoire, l'Ensemble Kamaan de Montréal se propose ici d'explorer les musiques kurdes avec une lutherie appropriée: santour (Amir Amiri), kamancheh (Showan Tavakol), rabab (Behnaz Sohrabi), alto (Olivier Marin), instruments auxquels se greffe la voix d'Eléonore Fourniau. S'accompagnant au saz et à la vielle à roue, la chanteuse française a passé beaucoup de temps en Turquie où elle s'est appliquée à maîtriser les répertoires turcs et kurdes, dont il est ici question. Au fil des siècles, les chants kurdes des troubadours au travers les territoires turcs, syriens, iraniens ou irakiens qui constituent le Kurdistan originel. Pour une première fois au FMA, Kurde en cordes propose une introduction bien sentie à l'univers sonore kurde.

https://www.ensemblekamaan.com/about

Égypte

HOH, L'Astral, vendredi 9 novembre, 20h

HOH est l'acronyme de trois musiciens parmi les plus prisés de l'Égypte actuelle: Hany Adel, également connu comme le leader du groupe Wust el Balad et acteur très populaire en Égypte; Ousso Lotfy, un des plus réputés guitaristes d'Égypte et cofondateur du groupe Nagham Masry; Hany Eldakkak, chanteur de Massar Egbari, groupe phare de la scène indépendante. Inconnu sur ce territoire sauf bien sûr chez les communautés arabophones, ce supergroupe égyptien procède à une synthèse succincte et minimaliste de trois répertoires importants pour les marchés moyen-orientaux et nord-africains, tout en évoquant différents folklores et musiques populaires ayant constitué l'édifice de la modernité arabe, notamment par l'adaptation de textes signés par les pointures de la poésie moderne là-bas, tels Salah Jahnin et Ahmed Fouad Negm. Des accents de nuevo flamenco, de rumba catalane, de bossa nova ou de jazz sont aussi perceptibles dans ces musiques et chants de très grande qualité. Voilà qui jette un éclairage fort différent de la culture arabe d'aujourd'hui... pour qui ne la connaît pas.

https://www.youtube.com/watch ?v=jQwQQEXfj9c

La chanteuse française se produit dans le concert Kurdes en cordes

Algérie, Liban

Warda, Rose des mondes, Théâtre Rialto, 10 novembre, 20h

Warda, que l'on surnommait «la rose algérienne», fut l'une des incontournables divas du monde arabe, pas loin derrière l'Égyptienne Oum Kalthoum et la Libanaise Fairouz. Née en France de père algérien et de mère libanaise, la superstar d'Algérie était aussi parvenue à fédérer les auditoires du Machrek et du Maghreb, jusqu'à sa mort au Caire en 2012. Hormis un répertoire fondé sur la chanson romantique, elle fut chantre de la nation algérienne pendant sa guerre de libération et mena une carrière étincelante dans le monde arabe, particulièrement à Beyrouth et au Caire où elle résida après avoir quitté la France. Inutile de souligner que ses enregistrements furent consommés à des dizaines de millions d'exemplaires. Sous la direction du maestro Kamel Maati, le FMA présente cet hommage à la grande Warda, incarnée cette fois par deux chanteuses renommées dans leur pays respectif: l'Algérienne Nada Al Raihane et la Libanaise Ranine Chaar. Cette dernière se propose également de parcourir le répertoire des grandes chansons ayant marqué Beyrouth pendant la seconde moitié du siècle précédent - jeudi 1er novembre, Cinquième salle de la PdA. Dans le contexte de ces deux spectacles, Ranine Chaar naviguera aisément sur les eaux du tarab (chants d'extase), du soufisme, de la pop et du jazz.

Rihane et Ranine Chaar, les interprètes de Warda,