Le rhum et les rythmes cubains couleront à flots sur le Plateau-Mont-Royal à compter de ce soir et jusqu'à samedi, pour une nouvelle présentation du festival Havana Cultura, consacré à la culture - musicale, gastronomique, etc. - de Cuba. Pour lancer le court événement, l'illustre DJ, animateur radio à la BBC et directeur musical britannique Gilles Peterson vient présenter ces grooves latins qu'on découvre sur le recueil de ses récentes aventures musicales, les disques Havana Cultura et Havana Remixed.

«J'ai eu beaucoup de chance», explique, depuis les bureaux londoniens de son label Brownswood Recordings, le DJ britannique Gilles Peterson, dans un français impeccable - ses parents sont suisse et français, il garde d'ailleurs encore des liens étroits avec la France, notamment à Sète où a lieu annuellement le festival qu'il dirige, Worldwide Festival, au nom emprunté à l'émission radiophonique hebdomadaire qu'il anime à BBC Radio 1 depuis 12 ans.

Chanceux, le DJ, nous disait-il.

«J'ai reçu un coup de fil il y a deux ans de quelqu'un que je ne connaissais pas, qui bosse pour le site Havana Cultura, un site qui appartient à Havana Club, la marque de rhum, explique Peterson. Le type me dit: «J'ai beaucoup aimé ce que tu as fait avec tes projets de disques en Afrique et au Brésil, alors j'aimerais t'inviter à Cuba.»» Tu parles, Charles! En plus, ce globe-trotter fini, invité à jouer des platines dans les plus grands clubs du monde depuis deux décennies (sa dernière visite à Montréal remonte à 15 ans, «dans un club techno pas tout à fait pour moi»), n'avait jamais visité La Havane.

«C'était comme des vacances. J'y ai passé quatre ou cinq jours, avec ce Parisien qui y passe beaucoup de temps, à La Havane. J'ai rencontré plein de musiciens de là-bas, j'ai découvert toute une scène, une nouvelle génération de créateurs.»

Fruit des découvertes

L'album Havana Cultura, enregistré aux légendaires studios de l'étiquette de disques cubains EGREM lors de son second voyage dans la capitale, est le savoureux fruit des découvertes de l'ambassadeur du son acid jazz de la fin des années 80 qui a ensuite découvert Roni Size&Reprezent, Galliano, MJ Cole (à l'époque où il dirigeait le label Talkin'Loud), et propulsé les carrières d'Eryka Badu et The Roots en Grande-Bretagne.

«Tout est bien tombé, résume-t-il. J'ai enregistré en quatre jours, avec les chanteurs et les musiciens que j'ai rencontrés là-bas, et avec Roberto Fonseca», le brillant pianiste jazz cubain qui laisse sa marque du début à la fin de ce disque foisonnant de jeunes talents.

«Quand on m'a demandé d'enregistrer un album de nouveautés, j'ai tout de suite pensé à Roberto. Je n'aurais pu enregistrer cet album sans lui; il est tellement doué, efficace, très jazz, c'est-à-dire qu'il s'inspire du moment, et il a les rythmes cubains au bout des doigts. Aussi, il s'intéresse à mon passé musical, c'est-à-dire la scène électronique européenne. Je crois que c'était aussi bien pour lui de travailler avec moi que pour moi avec lui - on s'est retrouvés quelque part au milieu de la route.»

Pendant qu'une nouvelle génération de défricheurs de talents et de rythmes exotiques prend d'assaut les pistes de danse, le vétéran DJ et dépisteur musical revient à une source sûre de bonne musique, un pays qui, depuis près de 80 ans, partage avec le monde ses chaudes sonorités. Pour une fois, Peterson est à contre-courant, mais le résultat de son travail ne fait aucun doute quant à son flair légendaire.

L'aventure cubaine n'est d'ailleurs pas terminée pour Gilles Peterson, qui propose d'enregistrer des chanteurs cubains et de laisser les bandes à ses amis remixeurs et producteurs européens, «juste pour voir ce que ça donnera»... Malheureusement, Fonseca ne sera pas du voyage, ni les autres musiciens et rappeurs qui collaborent au projet. Uniquement lui, ses disques - et Poirier et Boogat en première partie.

«Je ne suis pas encore sûr de ce que je vais mixer, confie-t-il. De la musique cubaine, puisque c'est vraiment l'idée du truc latino que j'ai fait, mais je crois aussi qu'il y a des gens qui vont avoir envie de m'entendre aller un peu partout musicalement, comme je le fais d'habitude. J'ai fait quelques dates déjà en Europe autour de ce projet, et certaines places voulaient que je ne joue que de la musique latine, et ailleurs, ce que je joue normalement. En tout cas, je vais apporter beaucoup de musique avec moi, alors on verra comment ça se passe!»

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Le festival Havana Cultura, jusqu'à samedi sur le Plateau-Mont-Royal. Infos: www.havana-cultura.ca