Départ en force, vendredi, pour ce 10e Osheaga qui ne manquait pas de rendez-vous alléchants. En voici six qui ont retenu l'attention de nos journalistes.

FKA Twigs: éprise de son art

La scène Verte était bondée pour FKA Twigs, l'enfant douée avant-gardiste de la pop, de l'art visuel et de la danse avec qui beaucoup de réalisateurs de renom veulent travailler, dont Arca, Emile Haynie et Boots. La jeune Britannique aux racines espagnoles et jamaïcaines a ensorcelé la foule. Pendant Water Me, ses gestuelles tantôt lascives, tantôt saccadées mariaient sa voix qui s'envolait sur des rythmes puissants.

Comme l'avait promis FKA Twigs en entrevue avec La Presse, son spectacle très physique était basé sur des percussions mettant en valeur ses mélodies et ses harmonies vocales. À ses côtés, deux percussionnistes et un bassiste donnaient un beau relief à sa pop minimaliste rêveuse. La qualité du son s'était par ailleurs améliorée sur la scène Verte par rapport au début de la journée. Pendant Run The Jewels et The Kills, il y avait eu de nombreux problèmes techniques.

FKA Twigs se produisait à Osheaga alors qu'elle s'apprête à lancer un nouveau EP intitulé Melissa. La foule a eu droit à un avant-goût vendredi. Celle qui déteste dire qu'elle donne dans le « R & B alternatif » a peu parlé au public alors que la nuit tombait sur Montréal avec des gouttelettes de pluie. La petite amie de Robert Pattinson s'efface derrière son art aux croisements multiples et laisse parler son grand magnétisme scénique.

- Émilie Côté

Young Fathers: à l'orée de la conquête nord-américaine

Devant une foule petite, mais carrément électrisée, se brassait une mixtion fumante de rap aux accents écossais et africains (Nigeria et Liberia), de trip-hop, de hip-hop, d'électro hardcore, de gospel, de soul, de percussions tribales, de bourdons celtiques. On était sur le cul devant ces hommes qui chantaient, qui rappaient, qui poussaient des cris de guerre, qui tapaient très fort sur des peaux. Éruption de testostérone! Ceux et celles qui ont opté pour les Young Fathers afin qu'ils remportent le Mercury Prize 2014 avaient probablement vu leur très puissante machine sur scène. Or, ils ne savaient peut-être pas que l'émergence de ce quartette d'Édimbourg serait relativement lente, du moins de ce côté de l'Atlantique. Simple question de temps, s'est-on dit vendredi devant la modeste scène de la Vallée, dont les échos se sont vite répandus dans la nuit. Woooow!

- Alain Brunet

Of Monsters and Men: les grands honneurs

Of Monsters and Men, le groupe islandais qui avait attiré une foule impressionnante à la petite scène Verte, en 2012, avait droit vendredi aux grands honneurs de la scène de la Montagne, juste avant Florence + The Machine. Le ciel était menaçant, mais la petite pluie fine a cessé dès que Nanna Bryndís Hilmarsdóttir, qui pourrait être la jeune soeur granole de Björk, Ragnar « Raggi » Pórhallson et leur bande se sont lancés dans l'atmosphérique Thousand Eyes, plus mordante que sur disque. Malgré leur dynamisme rafraîchissant, le répertoire d'Of Monsters and Men, dont le public connaissait surtout le premier album, était un peu redondant, mais les Islandais se sont rachetés avec des hymnes comme Six Weeks, dont le crescendo orchestral rappelait Arcade Fire. 

- Alain de Repentigny

Stars and Friends: au jardin des Étoiles

Afin de souligner le 10e anniversaire d'Osheaga, une très longue brochette d'invités avait été prévue pour la prestation de Stars, qui fut un astre incontournable du firmament montréalais et canadien au cours de la précédente décennie. On aura entre autres aperçu Murray Lightburn (The Dears), Jason Collette, Sam Beam (Iron & Wine), Andrew Barr (Barr Brothers), Katie Moore et Patrick Watson, tous membres éminents de la communauté indie et proches de nos Stars... Et on aura reconnu des classiques entonnés par le sextuor et ses amis, tels Your Ex-Lover Is Dead, Reunion, One More Night ou Celebration Guns. Autour des chanteurs Amy Millan et Torquil Campbell, cette famille élargie a essaimé et fait briller davantage un groupe dont l'étoile a peut-être un tantinet pâli, du moins si l'on se fie à l'affluence observée vendredi devant la scène de la Montagne. 

- Alain Brunet

Chet Faker: tous les talents

L'Australien Nick Murphy, un rouquin barbu mieux connu comme Chet Faker, partage avec le regretté Chet Baker une suavité indéniable. Mais il ne suffit pas d'être cool pour mettre dans sa poche arrière des milliers de spectateurs comme il l'a fait vendredi sur la scène Verte. Avec ou sans les deux musiciens qui l'accompagnent sporadiquement, Faker construit des musiques électro-soul sur lesquelles il danse avec abandon et chante d'une voix agréable qu'on entendait mal aux abords de la scène. Le public a chanté avec lui No Diggity et Gold et il l'a remercié en lui offrant au piano, sans rythmique ni saxophone, Talk Is Cheap, qu'on aurait appréciée davantage sans le son lourd d'une basse provenant d'une scène voisine.

- Alain de Repentigny

Run The Jewels: tout un programme double

Run the Jewels a balancé tout un programme double sur Montréal. Jeudi au Club Soda, l'emblématique We Are the Champions de Queen lançait une suite infernale de poésie consonante from New York and Atlanta, 17 grands crus au programme furent mitraillés. Feu à volonté! Propulsés par Trackstar the DJ, El-P et Killer Mike ne constituent-ils pas le plus redoutable tandem rap de l'heure? Au Club Soda, cependant, les fans survoltés ont dû composer avec une sono déficiente. Sur la scène Verte d'Osheaga, étonnamment, les sons de RTJ étaient d'une meilleure intelligibilité. En cet après-midi ensoleillé de vendredi, plusieurs milliers de festivaliers ont donné la réplique à leurs MC préférés, entre autres à cette formule peu reluisante pour le genre humain : « Lie, cheat, steal, win, win... Everybody's doin' it ! »

- Alain Brunet