Thomas Fersen est un habitué des Francos et des scènes montréalaises en général. Il foulera pour la première fois celle du Métropolis ce soir, avec les chansons de Je suis au paradis, son plus récent disque peuplé de squelettes, de vampires et de monstres de toutes sortes. Il nous en a parlé, et a accepté de nous raconter quelques souvenirs.

«Il fait beau à Paris, mais ça pourrait être l'hiver, je ne m'en rendrais pas compte: je suis dans une pièce noire, sans fenêtre.» Au bout du fil, Thomas Fersen est chaleureux, mais cette petite intro nous fait comprendre dans quel état d'esprit l'auteur-compositeur-interprète écrit ses chansons. «C'est ce que me dit aussi ma compagne. Il n'y aurait pas autant de monstres dans mes chansons si je travaillais dans une pièce éclairée!»

Thomas Fersen est débarqué à Montréal hier. Il vient présenter ce soir le spectacle qu'il promène depuis un an, mais qui a tout de même un peu évolué, assure-t-il. «Il y aura de nouvelles chansons, des histoires, des sketches. Ça change toujours, un spectacle. Tellement qu'on oublie un peu comment il était au début.»

Son univers n'a pas changé cependant, et reste à l'image de la pochette du disque dessinée par le bédéiste Christophe Blain, sur laquelle on voit un Fersen affalé sur un fauteuil pourpre. «Le spectacle commence dans une ambiance lugubre avec la chanson La barbe bleue, dans une grande pièce de château. Mais que se passe-t-il aussi dans un château? C'est le bal, c'est la fête, dit-il. Alors ça se termine de manière jubilatoire.»

Thomas Fersen refuse le qualificatif de gothique et préfère celui de «romantique noir». «C'est vrai que cet imaginaire prend ses racines dans l'Allemagne du milieu du XIXe, dans les livres de Théophile Gautier. Mais je crois aux fantômes, ce n'est pas une fantaisie. Ce n'est pas pour rien que j'ai intitulé ce disque Je suis au paradis. C'est mon paradis à moi, je suis bien dans ces histoires, je préfère ça à la plage et aux palmiers. Et puis, la réalité est souvent bien plus sombre. Les monstres, c'est aussi une évasion.»

Quiconque a déjà vu Fersen en spectacle sait qu'il est un formidable raconteur - il débite histoires et anecdotes avec bagou et drôlerie. Tellement qu'il a joué cet hiver dans un conte musical, Histoire du soldat de Charles-Ferdinand Ramuz et Igor Stravinsky, où il tient tous les rôles. Il incarne ces personnages comme il incarne ses chansons, explique-t-il, en s'adressant au public, sans quatrième mur.

«Il y a toujours matière à jouer dans mes chansons. J'écris d'abord pour les chanter sur scène. Je suis artiste quand je sens le public. Pas quand je suis chez moi et que je sors les poubelles!»

Une relation unique

Depuis presque 20 ans, Thomas Fersen s'est produit sur une multitude de scènes québécoises, à Montréal et partout en région. «Je pense que j'ai joué 25 fois au Québec. À partir de la fin des années 90, je suis venu pratiquement chaque année. J'y ai vécu beaucoup de choses, dans ma vie personnelle et dans ma vie professionnelle.»

Voici quelques souvenirs, en vrac.

GRAND CAFÉ, FRANCOFOLIES DE MONTRÉAL

Thomas Fersen se souvient très bien de ce premier spectacle au Québec. «C'était le début d'une longue histoire, et je pense que je le pressentais. J'ai tout de suite eu envie de revenir, en tout cas. J'ai une relation privilégiée avec le Québec et ça ne s'est jamais démenti. Je pense que c'est le pays que j'ai le plus visité en dehors de la France. En fait, il y a trois endroits où j'ai envisagé d'habiter: Paris, la Bretagne et Montréal.»

LE SPECTRUM

Thomas Fersen a joué plusieurs fois dans le regretté Spectrum, rue Sainte-Catherine. Aux FrancoFolies de 1996, fort du succès de ses deux premiers disques, il donne un spectacle époustouflant qui scelle son histoire d'amour avec les Montréalais. «Je ne suis jamais venu au Québec avec un plan de carrière. Ç'a toujours été une histoire de plaisir et d'affection. J'ai beaucoup joué en région, j'aime cette langue, j'aime les gens.»

LE CABARET

«C'est probablement la salle où j'ai le plus joué. Au moins 20 fois à partir de 1997.» Thomas Fersen ne peut expliquer pourquoi, mais chaque soirée au Cabaret s'est révélée extraordinaire. «C'était toujours la fête, là-dedans. J'y ai aussi vu des spectacles tout aussi festifs, comme celui de Tricot Machine. On m'a dit que la salle était fermée. C'est vraiment dommage.»

PLACE DES FESTIVALS, FRANCOFOLIES DE MONTRÉAL

Thomas Fersen a donné un spectacle mémorable il y a deux ans sur la grande scène des Francos, appuyé par Fred Fortin, avec qui il a d'ailleurs fait un disque (Trois petits tours). «On m'avait dit que je jouerais sur une scène extérieure. Je ne pensais pas que ce serait sur la grande scène. Quand j'ai vu ça, je me suis dit: «aïe, c'est grand!» Mais en même temps, mon répertoire peut s'adapter à tous les types de scène. Je peux le présenter devant 30000 personnes, surtout au Québec. J'ai toujours trouvé que le public québécois était à l'écoute, intense, attentif et participatif. C'est vraiment particulier.»

DES MAUVAIS SOUVENIRS?

Thomas Fersen est catégorique: il n'a aucun mauvais souvenir se rapportant à ses tournées québécoises. «Les soirées plus difficiles, je me démène pour que ça marche, dit-il. Je comprends si les gens n'ont pas envie de rigoler ou de taper dans les mains. Mes chansons peuvent aussi être présentées dans ce cadre. Ce n'est pas au public de donner, mais à moi. C'est le minimum.»

Thomas Fersen, ce soir, 21 h, au Métropolis. Première partie: Brigitte.