Douze ans après sa création sous chapiteau, Dralion repasse par Montréal, mais dans une version adaptée pour le Centre Bell. La Presse s'est entretenue avec les concepteurs de ce spectacle créé en 1999 par Guy Caron, qui rend hommage aux arts acrobatiques chinois.

On connaît la passion de Guy Caron pour la Chine. Dès ses débuts avec le Cirque du Soleil, dans les années 80, l'ex-clown du trio Chatouille et Chocolat et fondateur de l'École nationale de cirque s'est intéressé aux arts acrobatiques chinois, multipliant les voyages en Orient.

Il n'était donc pas tout à fait surpris lorsque Guy Laliberté lui a demandé de monter un spectacle centré sur les arts acrobatiques chinois. Mais le contexte entourant cette création n'a pas été facile, selon le metteur en scène, joint aux Pays-Bas où il travaille sur l'adaptation à la scène du film Ère de glace.

À l'aube de l'an 2000, la nouvelle production du Cirque devait être mise en scène par Philippe Decouflé (qui a créé Iris à Los Angeles en septembre dernier). «À l'époque, Guy et Philippe ne s'entendaient absolument pas, et d'un commun accord, ils ont décidé de mettre fin à leur collaboration», raconte Guy Caron.

Après avoir vu le spectacle d'une troupe chinoise au Festival mondial du Cirque de demain à Paris, Guy Laliberté a invité son compagnon d'armes à faire un show avec des artistes chinois. «Ç'a été difficile, se rappelle Guy Caron. D'une part, parce que je signais la première mise en scène du Cirque après le départ de Franco Dragone; et d'autre part, parce que ç'a été tout un défi de travailler avec les Chinois.»

Le Cirque a en effet travaillé pendant 10 ans avec une des troupes de l'armée chinoise. «C'était une troupe très créative», explique-t-il. Par contre, les différences culturelles ont compliqué la mise en scène. «D'abord, nous ne faisions que des chorégraphies collectives. Et puis, ces acrobates-là n'étaient pas les plus expressifs. Ça a pris du temps avant de créer des liens avec eux pour les amener aussi un peu dans notre univers.»

«C'est sûr qu'il y a eu un choc culturel durant les premières années», renchérit la directrice artistique Sylvie Galarneau, qui a suivi l'évolution du spectacle depuis sa création et qui a transformé Dralion en show d'aréna. «Au début, il était impensable qu'un artiste soit mis en vedette. Ils devaient tous être sur un pied d'égalité.»

Ce défi additionnel n'a pas empêché le Cirque de promener son chapiteau pendant plus de 10 ans et d'attirer 7 millions de spectateurs. Le passage en aréna, au mois d'octobre 2010 (au New Jersey), a toutefois obligé le Cirque à revoir la mise en scène et les décors pour s'ajuster notamment à la perspective inversée (on regarde vers le bas au lieu de regarder vers le haut).

Surtout, depuis deux ans, le Cirque de Soleil travaille avec une autre troupe chinoise. «C'est le jour et la nuit, nous dit Sylvie Galarneau. Cette nouvelle troupe change complètement la dynamique du spectacle. La communication se fait beaucoup mieux. Les artistes ont plus d'affinités avec le reste de l'équipe.» Heureusement, car ils forment le noyau dur de Dralion avec 35 artistes sur 50.

Dralion, contraction des mots «dragon» et «lion» se veut donc une rencontre entre l'Orient et l'Occident. Le spectacle évoque les quatre éléments: l'eau, le feu, l'air et la terre, mais aussi l'âme, cinquième élément dans la culture chinoise. À la création, cette âme était incarnée par un chanteur haut contre, représentant l'homme et la femme.

Le spectacle compte une douzaine de numéros: tissu, cerceau, équilibre, jonglerie, contorsion, trampoline, etc., incluant des numéros collectifs. Plusieurs d'entre eux ont bien sûr évolué, d'autres ont carrément été ajoutés. C'est le cas du numéro de cerceau de Marie-Ève Bisson. Les quelque 1500 costumes flamboyants de Dralion ont été conçus par François Barbeau.

L'autre nouveau venu s'appelle Jonathan Morin. Cet artiste de cirque, qui a mené une carrière de gymnaste, a inventé en 2008 un nouvel appareil qui s'appelle la roue croisée (une sorte de Roue Cyr en trois dimensions). Dans Dralion, son personnage de Kàla donne un bel aperçu des possibilités de cette nouvelle roue.

«C'est un spectacle beaucoup plus actuel qu'il y a 12 ans, estime Sylvie Galarneau. Les différences culturelles se sont amoindries, la Chine a beaucoup changé aussi. Mais Dralion demeure le lieu de rencontre de deux cultures artistiques.»

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Au Centre Bell du 18 au 30 décembre.

Puis au Colisée Pepsi de Québec du 3 au 8 janvier 2012.