Les adolescentes qui écoutent en boucle le très bon album Guts de la Californienne Olivia Rodrigo, tout juste 20 ans, entendent de la pop intelligente, super bien produite et diablement efficace.

Les quadragénaires de ma génération, les Xenniaux (ni milléniaux ni X, nés entre 1975 et 1985), entendent, dans les mêmes chansons accrocheuses, des échos de leur jeunesse fanée : The Breeders, Mazzy Star, Liz Phair, Fiona Apple, Elastica et Green Day, des piliers de ces glorieuses années 1990, enfumées et aspergées de CK One.

Née en 2003, la popstar Olivia Rodrigo n’a pas connu cette époque de flanelle, de bottes de combat, du film Singles et des longs cheveux séparés en plein milieu comme Alanis Morissette. Et pourtant, le joli vidéoclip de son dernier extrait, Bad Idea Right ?, se colle à l’esthétique rétro de deux films d’ados marquants des années 1990, Can’t Hardly Wait et Empire Records, avec Renée Zellweger et Liv Tyler, autre icône de cette décennie écartelée entre la pop bonbon et le grunge rugueux.

Les années 1990, source de nostalgie inépuisable, ne nous quitteront jamais. La petite vie ressuscite, Un gars, une fille aussi, tout comme les Teenage Mutant Ninja Turtles. Les barbiers les plus en vue pratiquent la coupe Longueuil modifiée, façon Patrick Huard en début de carrière.

La génération Z s’habille comme si elle assistait à un spectacle des Smashing Pumpkins en 1995, période Bullets With Butterfly Wings.

T-shirts amples et élimés, pantalons cargos larges qui traînent au sol, collier ras du cou (le choker !), ces ados remettent les vêtements jadis portés par leurs parents, qui n’étaient pourtant pas si cool que ça.

Dans le suspense psychologique Les yeux fermés, en ligne sur l’Extra de Tou.tv, l’auteure Anita Rowan a campé une partie de son intrigue en 1994 (Kurt Cobain !) et l’a agrémentée de chandails de Pearl Jam et du succès Runaway Train de Soul Asylum.

Au festival Osheaga à l’été, les looks très réussis de « ravers » de 1997 ont donné un coup de vieux à tous ceux et celles qui ont magasiné leurs tenues de soirée chez Juan & Juanita, aux Cours Mont-Royal, ou qui ont collectionné les chandails de la marque montréalaise Fidel.

Dans la rue, il n’est pas rare de croiser des Z, habillés comme dans Clueless, qui parlent dans un téléphone à clapet, le célèbre flip, où écrire un texto prend une éternité, 2-555-555-666, allô !

PHOTO JON RAGEL, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Matthew Perry, Courteney Cox Arquette, Matt LeBlanc, Lisa Kudrow, David Schwimmer et Jennifer Aniston, les acteurs de Friends, la série culte des années 1990

Ces années 1990, qui ont vu naître Friends et le film culte Reality Bites, n’ont pourtant pas été si roses et trippantes. Il y régnait cependant une sorte d’insouciance et de candeur, qui permettait beaucoup de liberté.

On flânait pendant des heures au centre commercial ou au McDo, on errait dans les parcs en buvant de la Black Label dans un sac en papier brun sans que nos parents nous géolocalisent ou ne déclenchent une alerte AMBER.

C’était le temps, plus simple, avant l’internet. Personne ne se filmait dans les partys. Personne n’alimentait Instagram ou TikTok toutes les deux secondes. On faisait la fête entre nous, en circuit fermé, et aucune photo ou vidéo compromettante ne circulait. Il fallait être là, live, comme dirait un gars d’OD.

C’est probablement de cet aspect déconnecté que les moins de 20 ans s’ennuient. Vivre sans laisse électronique. Niaiser, prendre son temps. S’amuser sans tout documenter. Soutenir une conversation en regardant les yeux de l’autre et non son téléphone intelligent. Et se débarrasser de la pression de mener une vie parfaite sur les réseaux sociaux.

Maintenant, si vous rêvez encore de bretelles spaghettis et de camisoles courtes, un bon vieux « crop top », regardez la minisérie documentaire The Super Models sur Apple TV+, qui raconte l’influence phénoménale qu’ont eue, il y a 30 ans, quatre mannequins vedettes : Naomi Campbell, Christy Turlington, Linda Evangelista et Cindy Crawford.

Oui, ces quatre femmes magnifiques défilaient déjà sur les podiums, mais c’est leur spectaculaire apparition dans le vidéoclip Freedom ! 90 de George Michael, réalisé par le cinéaste David Fincher, qui les a catapultées au rang de stars planétaires. Amies dans la vraie vie, Naomi, Linda, Cindy et Christy ont été d’immenses phénomènes de culture populaire, qui ont transcendé les passerelles de Milan ou de Paris. Toute la planète connaissait leurs visages parfaits.

Et ces mannequins étaient à la fois belles, intelligentes, influentes et avisées. Elles ont défini le style glam et flamboyant de la première moitié des années 1990, avant que les clones de Kate Moss – aux visages émaciés – les tassent du podium.

Ce fut le début de la malheureuse tendance « héroïne chic » (comme la drogue), qui revient elle aussi avec ses joues creuses et ses cernes profonds. Pour vrai, on tolère assez bien le retour des chaussures plateformes à la Spice Girls, mais la maigreur extrême, c’est non.

Tout comme les « bières » Tornade et Boomerang, restez dans votre siècle, merci.

Je lévite

Avec Kathleen Fortin dans Une affaire criminelle

Elle est hallucinante dans le rôle de la sœur de Jasmin Poupart (Hubert Proulx), qui a été abattu par la policière Laurence Malenfant (Alice Moreault). Ce type de personnage poqué, qui vient d’un milieu pauvre, peut souvent tomber dans la caricature. Mais Kathleen Fortin réussit à rendre cette femme crédible et vraie, avec tous ses défauts et un langage fort coloré. Bravo.

Je l’évite

Les pubs radiophoniques de Canac

« Dis “maman”, mon beau garçon ! » « Ca-nac ! » « Non, “ma-man” ! » « Ca-nac ! » « Le bébé dit Canac, mais pas maman, c’est ridicule », se plaint la mère dans cette pub de la quincaillerie québécoise, qui joue 27 fois par jour à la radio commerciale. « Mon amour, ce qui est ridicule, c’est les prix chez Canac », répond le père, alors que le bébé prononce enfin le mot… papa. OK, c’est rigolo une fois dans une journée, trois à la limite, mais un tel bombardement enlève le goût de « canaquer », un verbe qui signifie économiser, pour les non-initiés.