Non, je ne brûle pas de punch ni de dinde dans le four. Après des années de réclusion et de maladie, le grand Serge Thériault a renfilé la jaquette à carreaux et le bonnet de nuit de Moman – alias Jacqueline Paré – le temps de tourner la scène finale du dernier des six épisodes de La petite vie, que l’Extra de Tou.tv offre à partir de mardi.

Lundi midi, Radio-Canada a montré l’extrait du retour de Moman aux journalistes et aux acteurs de la sitcom culte de Radio-Canada, qui ne l’avaient pas encore visionné. Et les larmes ont coulé dans la salle. Non pas parce que cette séquence baigne dans la tristesse, au contraire. Mais parce qu’après la présentation du documentaire Dehors Serge dehors, on pensait tous que Serge Thériault, qui souffre d’une grave dépression, ne reviendrait jamais devant les caméras.

De revoir cet acteur de 75 ans avec son costume multicolore, dans la cuisine rétro des Paré, en compagnie de son vieux complice Ti-Mé (Claude Meunier), est super émouvant.

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Les principaux comédiens de La petite vie

Vraiment. Absent des écrans depuis l’émission spéciale de La petite vie : Noël Story, en 2009, Serge Thériault possède encore son sens du comique. Il livre ses répliques comme dans les années dorées de ce classique de la télé d’ici, qui compte 59 épisodes ayant été rediffusés pas moins de 12 fois les samedis soirs, à Radio-Canada.

Serge Thériault, absent de la conférence de presse de lundi, n’apparaît que dans la dernière minute du sixième et dernier épisode de La petite vie. Ça va très vite, mais c’est comme renouer avec un ami précieux que l’on croyait disparu à jamais. Par contre, silence radio sur le contexte qui ramène Moman dans l’intrigue. À vous le plaisir de le découvrir. À la télé traditionnelle, ces six demi-heures de La petite vie joueront les samedis à 18 h 30 en février 2024.

C’est le 1er juin que Serge Thériault a enregistré sa participation inespérée à La petite vie. Aucun autre comédien de la distribution n’a été avisé de son passage éclair. Le public a été sorti du studio, question de garder le secret et de ne pas ajouter de pression supplémentaire sur les épaules de l’acteur. Le nombre de caméras a été réduit de cinq à deux et il n’y avait que six personnes sur le plateau, tous des gens que Serge Thériault connaissait, dont le réalisateur Pierre Séguin et la maquilleuse France Signori.

« Serge était très heureux. Il allait quand même bien. Il va mieux. Il sort de chez lui », confie Claude Meunier, 72 ans, auteur et créateur de Moman et Popa.

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Claude Meunier

Il n’a fallu que 30 minutes et quatre prises (la deuxième a été gardée) pour boucler la seule scène impliquant Moman. Serge Thériault n’a accepté que ce « caméo », sa santé ne lui permettant pas d’en assumer davantage.

Maintenant, ça passe ou ça casse, cette suite de La petite vie, 30 ans plus tard ? C’est meilleur que les émissions spéciales (Le bogue de l’an 2000, Noël chez les Paré), mais ça n’atteint pas, hélas !, le niveau comique des épisodes originaux, relayés entre 1993 et 1998. J’ai ri quelques fois, jamais autant qu’à l’époque.

En fait, Claude Meunier rebrasse sa recette absurde originale avec des personnages plus âgés et coiffés de perruques grises. C’est tout. Pensez à des gags de perte de mémoire et d’incontinence urinaire, et ils y sont tous.

Le premier épisode, qui conserve son générique d’origine, nous montre à quoi ressemblent les Paré aujourd’hui et on ne peut que sourire en voyant la boule de cheveux grisonnants de la rebelle Caro (Guylaine Tremblay), la canne de Rod (Bernard Fortin) et les vêtements unis de Lison/Creton (Josée Deschênes), la nouvelle porte-parole des couches pour adultes Almost.

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Marc Labrèche et Josée Deschênes

À la retraite depuis deux ans, Rénald/Pinson (Marc Labrèche) souffre de problèmes cardiaques, Réjean (Marc Messier) sort de prison et court toujours la galipote, Thérèse (Diane Lavallée) travaille comme préposée en soins mentaux (au vestiaire, finalement) d’un hôpital psychiatrique, tandis que Popa (Claude Meunier) se morfond en l’absence de Moman, partie faire l’épicerie sans jamais en revenir.

Abattu, Ti-Mé cuisine des muffins au foie de veau et bichonne ses vidanges autour de la table à manger. C’est Thérèse, toujours peignée de façon spectaculaire, qui s’occupe du lavage de Rod, le nouveau DJ des résidences Sommeil (je l’ai ri).

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Guylaine Tremblay

Esseulé, Ti-Mé s’inscrit aussi sur Timber (l’équivalent de Tinder, vous l’aurez compris) et rencontre deux « femmes » assez intrigantes. Le deuxième épisode tombe dans le burlesque avec les troubles du cœur de Rénald et le défibrillateur portatif de Creton, qui réanime son homme à tout instant. Toujours en couple avec Linda (Sylvie Potvin), le bon Pogo (Rémy Girard) perd la mémoire et, comme animateur d’une émission de télé communautaire qui s’appelle Je me souviens, mettons que ça donne des moments rigolos. Vous reverrez le cousin jumeau Stimé Paré (Stéphane Rousseau) au sixième épisode, qui implique un « jerry-boam » de Château Ragoût pétillant.

Bref, c’est correct, La petite vie 2023, sans être transcendant ou hilarant. Comme l’univers de Claude Meunier était déjà décalé au milieu des années 1990, il ne détonne pas tant aujourd’hui. Cela dit, on a peut-être fait le tour des blagues de lit vertical et de pâté chinois.

Claude Meunier ne s’en cache pas : il s’est senti « blessé » que Radio-Canada dépose La petite vie sur l’Extra de Tou.tv, plutôt qu’à son antenne traditionnelle. « Un gars, une fille est sorti de l’Extra une semaine plus tard à la télé », a plaidé l’auteur et créateur lundi.

Claude Meunier n’a pas tort là-dessus. La petite vie a été un immense succès populaire grâce au public traditionnel de Radio-Canada. Il aurait fallu offrir ce cadeau (gratuit) aux fidèles du début et non leur imposer de s’abonner à une autre plateforme payante.